mardi 29 juin 2010

Jean-Pierre Raffarin, le pire du milieu. (Des interventions répétées de l’ancien premier ministre à propos des relations franco-chinoises).

L’écœurement monte. Je ne peux rien à l’affaire, mais tiens simplement à témoigner pour les générations futures. Tous les Français ne s’alignent pas derrière Jean-Pierre Raffarin. Je devrais plus exactement préciser qu’à côté des 99,9 % de concitoyens qui se désintéressent intégralement de la question, il existe 0,099 % de personnes fascinées par la Chine, et qui approuvent une politique de soutien inconditionnel au régime chinois, droite et gauche confondues. Qu’il s’agisse de la Chine d’hier, d’avant-hier ou de celle d’aujourd’hui importe peu, au fond. Un souvenir d’un roman de Jean Hougron, un ancien prix Goncourt tombé dans l’anonymat, me revient à l’esprit. Beautés chinoises décrivait la passion d’un collectionneur pour les porcelaines anciennes. Pour l’adolescent que j’étais, l’auteur a su transmettre à travers des objets collectés ici ou là par son personnage principal toutes les subtilités et le raffinement d’une civilisation millénaire. Or mon souci est le suivant, donner consistance à l’indignation des 0,01 % de Français restants.
Car de nuances, il n’est pas question aujourd’hui. L’heure est au sursaut, un sursaut moral. J’en explique l’impérieuse nécessité. Depuis plusieurs semaines, mon entourage dira à quel point sa patience a été mise à rude épreuve, je suis par extraits de vidéo les différentes interventions de l’ancien Premier Ministre français au sujet de la Chine. Les commémorations de l’occupation du Tibet ou encore l’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin ont offert au sénateur de la Vienne l’occasion de faire montre de l’étendue de ses compétences. Concernant la Chine, Jean-Pierre Raffarin n’hésite devant aucun déplacement, ni devant aucune déclaration sur Internet. Sa mission de bons offices consiste à raccommoder les autorités françaises et chinoises coûte que coûte. Il s’y emploie avec la dernière énergie. Je lui reconnais ce mérite, mais cela n’ira pas plus loin de mon côté.
D’aucuns suspecteront une propension au masochisme. J’ai simplement eu l’impression de trouver un étalon des relations internationales à la mode de chez nous, mélange d’ignorance mal camouflée, de morgue inébranlable, le tout agrémenté d’un air finaud. Vous ne pouvez pas comprendre, avec vos bons sentiments. Mais moi je suis un pragmatique et travaille à l’intérêt supérieur de la France. Primo, Jean-Pierre Raffarin joue au connaisseur parmi ses pairs, parce que nul autre que lui ne se préoccupe de la Chine. Cette nouvelle preuve de la petitesse du microcosme ne me réjouit bien sûr pas. Secundo, à force de dispenser la bonne parole d’un ton patelin, Jean-Pierre Raffarin a oublié que ses connaissances s’approchent de l’alpha et que ses assertions frisent l’oméga.
J’exagère ? Suivez-moi… Interrogé par une journaliste de la chaîne publique officielle chinoise, il parle à Pékin au printemps 2008. Il a l’air réjoui d’un enfant à la foire du Trône, tout en parlant aux caméras de Radio Moscou. « Moi je suis toujours là quand il faut que l’amitié soit là […] J’étais à Paris pour la flamme olympique […] Je suis très sévère sur ces actes de violence. […] Je vois le peuple chinois. C’est avec beaucoup de travail que la Chine a progressé. »
L’ancien premier ministre se rend plusieurs fois par an en Chine, même si les Chinois se méfient toujours de la parole occidentaleIci, il explique que la perception des droits de l’Homme en Chine n’est pas la même qu’ailleurs. JPR veut que l’on défende nos valeurs et que l’on respecte les autres civilisations (sic !). Que fait la Chine pour les droits de l’Homme, lui demande t-on ? Sans hésiter, il répond que la Chine lutte contre la pauvreté, et que ne pas être pauvre c’est le premier des droits. La République Populaire s’appuie certes sur un parti unique, mais à l’intérieur, il y a des élections (sic !).
La communication chinoise est oblique - serine l’expert - partagée entre le ying et le yang, au contraire de l’Occident. « Chez nous il y a Descartes et Marx. Y a une thèse. Y a une antithèse. Et puis au-dessus on cherche une synthèse » tout en mimant un gros nœud au-dessus d’un gros paquet cadeau. Oui, il parle chinois, car il connaît les mots bonjour et merci. Les Bidochon en savaient autant à l’issue de leur voyage en URSS. Non, il ne faut pas s’inquiéter des produits chinois.
La Chine créé une France tous les trois ans, et la moitié des grues du monde se trouvent en Chine, tel est le leitmotiv de monsieur Raffarin (voir incrustation). Le communicant a saisi qu’il importe de répéter à qui mieux mieux les mêmes choses. Du martelage naît la capacité à transmettre largement ses idées. Il ne se fixe aucune limite. En déplacement à Marseille pour un énième colloque consacré à l’intérêt de telle zone en relation avec la Chine, il va jusqu’à affirmer que la Méditerranée, c’est un peu la Chine. Finalement, l’homme d’Etat se dévoile bien supérieur au blogueur que je suis. Est-il pour autant le pire du milieu politique français ? En tout cas, le doute ne l’habite pas. Peut-être est-ce aussi l’une des caractéristiques de la politique que de ne se poser aucune question ?
Dans le Monde du 8 avril, Bruno Philip n’a obtenu malheureusement que l’espace d’un encart publicitaire. La briéveté de son compte-rendu me pousse à le restituer presque in extenso. « PÉKIN. Venu présider un colloque économique franco-chinois, l’ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin a estimé, lundi 6 avril, que le communiqué de réconciliation publié le 1er avril par Paris et Pékin était le fruit d’un ‘compromis fertile’ qui permettait d’en revenir ‘aux fondamentaux’ après des mois de bouderie chinoise. M. Raffarin a expliqué que le texte était à la fois ‘plus précis et plus engageant‘ à l’égard de Pékin. ‘On ne parle pas seulement de - l’attachement français - à l’unité de la Chine - dans ce communiqué - : on dit que l’on est non seulement contre l’indépendance du Tibet mais aussi contre le soutien à l’indépendance.’ A la question de savoir si le même texte engage le président Nicolas Sarkozy à renoncer à toute rencontre avec le dalaï-lama, M. Raffarin a répondu qu’‘on ne peut pas faire dire au texte ce qu’il ne dit pas’, ajoutant cependant que, si M. Sarkozy rencontrait de nouveau le chef spirituel tibétain en exil, ‘les Chinois considéreraient cela comme une forme de soutien - à l’indépendance du Tibet -’. »
Je reste persuadé que les gains escomptés resteront en deçà des espérances, et qu’en Occident, il faudra un jour justifier les péroraisons de ceux qui ont soutenu l’insoutenable avec en tête d’illusoires contreparties. La crise économique apparue aux Etats-Unis impose surtout de la philosophie et de la résistance. Comme au jour de la tempête, il s’agit de prendre son mal en patience, en attendant que cela passe. Les Occidentaux persuadés que la solution pour détourner la bourrasque est cachée quelque part dans la Cité Interdite se leurrent. J’en appelle pour finir à Cai Chongguo sur cette erreur banale. La Chine ?
« Sa vraie puissance réside dans son régime politique. Son gouvernement, c’est-à-dire le parti communiste, contrôle la presse, dirige les députés (les membres de ‘l’Assemblée populaire‘), écrase l’opposition. Autrement dit, il n’a pas de souci de l’élection, ne subit pas la pression de l’opinion publique ni celle des syndicats. Il peut mobiliser toutes les moyens, pas seulement de la presse, mais aussi des ‘représentants du peuple‘, des intellectuels, voire les grands personnalités internationales, pour se justifier. Ainsi, la Chine est forte. Son gouvernement pourrait ne pas dépenser un sou pour le bien être de la population, et investir des centaines milliards de dollars dans les pays étrangers ou d’acheter les bons de trésor américains. Il est aussi capable gêner le salaire, interdire la grève des ouvriers pour attirer l’investissement étranger. »
PS./ Dernier papier sur la Chine : Mao victorieux ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire