lundi 28 juin 2010

Pour rêver éveillé, pensez à la Fnaim. (A tous ceux qui prennent des vessies pour des lanternes)

Pour rêver éveillé, rien ne remplace la Fnaim : la Fédération réclame en effet l’intervention immédiate de l’Etat. Elle estime qu'on a jeté sur ses membres un mauvais sort. En un mot comme en un seul, « les ménages n'hésitent plus à parier sur des baisses de prix plus fortes encore dans l'avenir proche. » Quand accusera-t-on les acheteurs potentiels d’acte antisocial ? La ministre de l’Economie qui se prend pour Maginot et explique que la déroute de Lehman aux Etats-Unis ne se répercutera pas en France réagira-t-elle aux demandes de la Fnaim ? Il faudrait en tout cas ouvrir les yeux sur les menaces. L’évolution du secteur bancaire reste incertain, au contraire de l’immobilier, comme en témoigne le marché américain [source].
Dans un livre à paraître intitulé « Sexe, drogue et économie », Alexandre Delaigue et Stéphane Ménia reprendront sans doute les arguments développés dans leur blog. Ils écrivent leur dépit devant une question qui – disent-ils – met d’accord la grande majorité des économistes ; à l'opposé du verbiage médiatique sur le goût des Français pour la pierre. En résumé, la cherté du logement loué ou acheté ne résulte ni d’un enchaînement inexplicable ni de la fatalité. Le marché systématiquement incriminé ne fonctionne pourtant pas comme on le dit, car si le prix du mètre carré augmente, il suscite l’investissement dans la pierre. Celui-ci se maintient tant que la demande ne fléchit pas. Il s’agit d’une régulation que l’on peut qualifier de naturelle.
En revanche, note le duo d’Econoclaste, l’intervention publique provoque toujours les mêmes effets. Plus on protège les locataires, plus les logements se raréfient. En France, l’encadrement strict des hausses de loyer s’ajoute à d’autres mesures énumérées par les auteurs : interdiction d’expulsion pendant la saison hivernale, protection juridique, etc. Au total, l’investissement locatif n’a jamais rapporté – même aux meilleurs moments du boom immobilier – autant que la bourse ou d’autres placements financiers. Cela a incité les propriétaires, si ce n’est à choisir d’autres investissements, au moins à négliger les dépenses d’entretien et les travaux de réfection. L’insalubrité moyenne et le manque de logements tant de fois regretté par les journalistes résulte donc paradoxalement de l’intervention publique.
Celle-ci n’a pas varié depuis la Libération. C'est même l'histoire des Trente Glorieuses. L'intervention publique a produit un premier effet majeur en France. Dès qu’ils en ont eu la possibilité, les couples ont fui le marché locatif pour acheter un bien plus adapté à leurs exigences de confort et d’hygiène. L’habitat périurbain directement bénéficiaire a dans un second temps été rendu accessible au plus grande nombre grâce aux énormes investissements réalisés dans les équipements (scolaires) et les infrastructures de transport. Les autoroutes et quatre-voies, les rocades et la voierie en périphérie d’agglomération ont permis un étalement urbain longtemps considéré comme irrémédiable et sans limites : les exceptions sont venues d’obstacles physiques insurmontables : la mer Méditerranée à Marseille, ou les monts du Forez à l’ouest de Lyon. Depuis les lois de décentralisation de 1982 (troisième effet), les collectivités locales ont accompagné le mouvement, multipliant les équipements collectifs, inaugurant de nouvelles classes dans les écoles primaires, créant des lotissements pavillonnaires en viabilisant à la va-vite les terrains encore agricoles l’avant-veille. Geographedumonde a livré de nombreux papiers sur cette thématique.
Au cours du dernier demi siècle, la politique urbaine a évolué. Même si en apparence elles semblent assez éloignées du sujet, la protection des centres-villes historiques qui fige le bâti, la limitation de l’automobile dans les cœurs d’agglomération qui équilibre le surcoût (nécessaire pour se loger) par des gains (en temps de transport), et l’interdiction de construire en hauteur conduisent toutes les trois à une restriction de l’offre. Celle-ci alimente la flambée des prix de l’immobilier. Ces mécanismes s’appliquent bien sûr ailleurs qu’en France. En Californie, les règles d’urbanisme fixent une hauteur maximale pour des raisons de lutte contre le risque sismique. A Manhattan, comme le rappelle Econoclaste, les immeubles doivent respecter une limite de hauteur maximale. Dans les grandes agglomérations du Midwest à l’inverse, une grande souplesse prévaut. Or les prix n’ont guère bougé.
On attendra Econoclaste sur le volet fiscal et monétaire. La taxation sur les héritages, relativement modérée par rapport à celle pratiquée sur les bénéfices boursiers, a en effet favorisé l’investissement dans la pierre. Les mesures de défiscalisation (Besson et Robien) ou encore l’exonération de la TVA sur les travaux d’amélioration de l’habitat, pour ne citer que deux exemples, ont continument stimulé l’offre en France. Dans le même temps, une génération de Français a connu des taux d’intérêt bas et les largesses bancaires en matière de prêts immobiliers. Certes, la mode des emprunts à taux variables n’a pas gagné l’Hexagone.
Il n’empêche qu’une croyance a envahi les esprits, touchant à une spirale d’inflation sans fin des prix de l’immobilier. Des dizaines de milliers de ménages ont donc pris le risque de s’endetter au-delà d’une capacité d’endettement raisonnable, en escomptant revendre pour racheter, une sorte de cavalerie innocente. Les prêts – relais qui s’éternisent illustrent que le château de cartes est en passe de s’effondrer. L'urgence qui s'impose relève du langage de vérité. Les transformations du secteur bancaire, en Amérique du Nord ou ailleurs, dépassent la compréhension commune. Chacun peut en revanche se préparer à un retrait probable des prix. Sur un siècle la courbe des prix colle en effet à celle de l'inflation, ni plus ni moins. Le proverbe boursier s'applique évidemment à une majorité de propriétaires : seuls perdent ceux qui vendent... Les raisonnables éviteront le pire. Quant aux écervelés, ils essaieront de continuer à rêver éveillés. Plus la correction des prix tardera, plus elle risque d'être brutale.

PS./ Geographedumonde sur les questions immobilières : Banquiers, dormez inquiets !

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