samedi 26 juin 2010

Taxi, routier, agriculteur, infirmière, ou autre : leur casse-tête quotidien. (F. B., L. C., P. R. et ma pomme)

A.B, chauffagiste à Lille (Nord). Les clients l'appellent pour lui dire que les prix du fioul augmentent et qu'ils ne vont pas pouvoir lui régler la prochaine livraison. " Je passe mon temps au téléphone, et ma femme m'a quitté... Elle se sentait délaissée et souffrait de mon manque de chaleur. Et mon fils, le p'tit taiseux, menace de se pendre, si je lui donne pas de quoi remplir son réservoir pour son concours de tuning de dimanche". Sans compter qu'avec un ciel si bas, le pays est plat et désespérant. Donc pour aller à Berck le w.e., l'évasion en voiture devient ruineuse.
W. B., taxi à Châlons-en-Champagne (Marne). [...] la consommation de carburant de Walter Berrekla commence à peser lourd : "C'est 15 % de mon budget. Chaque mois, je dépense 800 euros pour faire le plein." Avant, les chauffeurs de taxi récupéraient la TVA jusqu'à 5 000 litres consommés, désormais ils devraient toucher une compensation de 600 euros par an. [...] Cela représente 100 euros de moins." Et impossible de compenser ce surcoût, car le nombre de courses baisse.
C.D., pompier à Plombières (Vosges). Le budget carburant de la compagnie a explosé. Les soldats du feu vosgiens doivent rivaliser d'imagination pour ne pas perdre leurs primes de fin d'année. Finis les chats secourus et les nids de guêpes enfumés. Un concours de descente de ski alpin sera organisé quand il neigera. "On a pensé à éditer un calendrier avec nos conjointes en maillot de bain, explique l'officier mais plusieurs de nos pompiers sont célibataires..." Dans les semaines qui viennent, la surveillance des feux de forêts si redoutés dans le massif pourrait être suspendue.
D.L., transporteur routier à Champeix (Puy-de-Dôme). [...] Le patron conduit et fait le mécanicien, son épouse assure la comptabilité. "Rien ne va plus : depuis vingt ans, le chiffre d'affaires progressait régulièrement. C'est fini et je vais devoir revendre un camion." En 2005, il payait le gazole 73 centimes d'euro le litre et facturait la journée 470 euros. Aujourd'hui, le litre est passé à 1,35 euro et la journée à 500. "Et quand on évoque avec le client le "pied de facture" (la répercussion de la hausse du gazole sur la facture), celui-ci menace de nous quitter..." [...] Alors, il demande à ses chauffeurs de réduire la vitesse : pas plus de 85 km/h et si le parcours est trop vallonné, ce qui entraînera une plus grosse consommation de gazole, il renonce.
S.R., future dirigeante de parti en déshérence (région Poitou-Charentes). "Le libéralisme a tout fauché, les OGM nous envahissent et la lutte finale se fait attendre, raconte-t-elle d'un ton badin à notre collaborateur "Je note aussi que j'ai essayé les Vélib' à Paris ; or, ils ne roulent pas bien. Et puis, à la borne 'Hôtel de Ville', je n'en ai pas trouvé un de libre..." Madame R. circule sans cesse pour rencontrer les militants. Comment pourra-t-elle payer son carburant dans les mois qui viennent ? Monsieur L, ancien ministre de la Culture lui a suggéré de solliciter le musée de la Magie à Blois
C.M., agriculteur à Sainte-Cécile (Vendée). Tout comme les trois autres associés de son exploitation (250 hectares, 230 vaches allaitantes), Cédric Mandin est inquiet : depuis janvier, la hausse du gazole leur a coûté 15 000 euros : 5 000 euros de plus pour le fioul des tracteurs et 10 000 euros pour les produits dérivés du pétrole. La liste des prix qui flambent est longue : la ficelle pour les bottes de foin, la bâche en plastique pour recouvrir les silos, les produits phytosanitaires et surtout l'engrais azoté. [...] "On essaye d'éviter au maximum d'utiliser le tracteur, mais ici, tout est mécanisé. On s'en sert pour les cultures mais aussi pour distribuer le fourrage au bétail", raconte-t-il. Un tracteur consomme 200 litres de fioul par jour, et l'exploitation en a trois. [...]
NS., représentant de commerce (92). [...] Il parcourt des milliers de kilomètres chaque année, en voiture ou en avion. La forte progression du prix du kérosène remet en cause son budget de fonctionnement. A l'heure de la maîtrise des comptes publics, les escapades élyséennes se transforment en dépenses déstabilisatrices. "Ecoutez madame Chabot, c'est quand même pas de ma faute si le baril d'aujourd'hui coûte autant que la cuve d'hier." On murmure dans les couloirs du palais que l'on va alléger les sorties présidentielles : seraient ainsi visées les dégustations chez les viticulteurs de Normandie, les interviews dans les radios périphériques, et les visites diplomatiques au Japon.
A.P., infirmière libérale à Ucel (Ardèche). Avec sa voiture, elle fait près de 90 km par jour. Les visites à domicile constituent 95 % de ses interventions. "Je paye 280 euros par mois pour mon gazole, 60 de plus qu'en janvier." Une hausse des prix qu'elle ne peut pas répercuter : "Nous avons des tarifs encadrés par une convention, nous ne pouvons pas faire payer plus cher nos patients." Impossible aussi de contrer l'effet du prix du pétrole en travaillant plus, elle intervient sur prescription médicale. [...] "Bientôt, s'il n'y a pas plusieurs patients sur un même trajet, on travaillera à perte."
E.F., retraité à Lit-et-Mixte (Landes). Son loisir principal est de surveiller les accidents sur la N.10 qui relie Bordeaux à la frontière espagnole. Il raconte : "depuis plusieurs mois, les conducteurs surveillent leur vitesse, et je n'ai rien à me mettre sous la dent. Sans compter que pour retrouver les copains de l'association de joueurs de belote, à côté de la mairie, je dois prendre ma voiture. Aller et retour, je brûle pour 50 kilomètres de gazole !" Bien sûr, sa retraite ne suffira bientôt plus à financer ses loisirs. Il songe sérieusement à arrêter son bénévolat dans le musée de la résine, à Ychoux. Les mois qui viennent seront fatidiques...

PS./ Toute ressemblance avec des personnages existants est fortuite. Voir aussi l'original : http://www.lemonde.fr/politique/article/2008/05/30/taxi-routier-agriculteur-ou-infirmiere-leur-casse-tete-quotidien_1051805_823448.html

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