Dans le numéro 831 de Courrier International (du 5 au 11 octobre 2006), un article tiré du Wall Street Journal fait le point sur la situation de l’automobile à Stockholm, quelques mois après l’instauration d’un péage urbain dans la capitale suédoise. Les journalistes (Leila Abbud et Jenny Clevstrom) insistent sur le fait que les habitants ont plébiscité par référendum le projet et que les observateurs étrangers sont nombreux sur place. Il y aurait donc quelques découvertes sensationnelles à attendre ?
Rappelons d’abord que la Suède compte un septième de la population française – un peu moins de 9 millions d’habitants – pour une superficie assez proche de celle de l’Hexagone (450 000 contre 550 000 km²). Plus de 80 % des Suédois vivent en ville. Un sur cinq réside dans ou à côté de la capitale. Les auteurs de l’article évaluent en effet à environ deux millions le nombre d’habitants que compte l’agglomération de Stockholm. A proximité du littoral sud-est du pays, celle-ci s’étend sur des îles fluviales entre un lac (Mälaren) et la mer Baltique. En l’absence de reliefs contraignants et malgré l’omniprésence des eaux de surface, les routes et autoroutes ont facilité l’étalement de l’agglomération, par étalement de ses périphéries (périurbanisation).
Le résultat est que le plan de Stockholm ressemble à une étoile. Les extrémités de chacune des branches se trouvent distantes d’au moins vingt-cinq kilomètres du centre (sauf vers l’est). L’aéroport international (Arlanda) est à une quarantaine de kilomètres au nord, tandis que cinquante kilomètres séparent la banlieue sud-ouest de Södertälje de celle – au nord-est – d’Akersberga. Un périmètre parisien ou londonien pour deux millions d’habitants.
Seule la voiture permet à un citadin de l’agglomération de circuler, au moins lorsque les transports en commun ne desservent pas les trajets visés. Or les îles de la partie centrale de Stockholm ne sont desservies que par un petit nombre de ponts routiers. Ceux-ci bloquent fatalement la circulation, entraînant aux heures de pointe des bouchons importants. Mais les journalistes ne s’intéressent pas à ces considérations géographiques. La grande affaire est ailleurs : le péage, « une expérience grandeur nature de contrôle des comportements destinée à réguler plus efficacement le trafic pendant la journée et à engager davantage d’usagers à emprunter les transports publics. » Les résultats paraissent néanmoins incohérents : 22 % de baisse à l’intérieur du périmètre payant, mais pas « d’impact significatif sur le nombre d’usagers des transports en commun. » On cherchera en vain une remarque négative sur les conséquences d’une surveillance des allers et venues des habitants.
Je préfère insister sur deux points. Le premier est qu’en Suède, comme dans de nombreux pays occidentaux, il y a une contradiction majeure entre une politique générale favorable pendant plusieurs décennies à l’utilisation de l’automobile – elle l’est encore en grande partie – et des décisions ponctuelles visant au contraire à l’enrayer. Pour que les voitures occupent une place plus limitée (souhaitable ?), il faut que leur nombre diminue, en particulier dans des espaces urbains aux dimensions fixes. Dans un Etat de droit, le seul procédé acceptable est l’impôt, seul garant d’une égalité de traitement entre citoyen. A condition que les électeurs valident la hausse des taxes sur l’essence, ou sur les voitures. L’autre condition est que les densités urbaines augmentent – au contraire de ce que l’on observe dans le cadre de la périurbanisation – avec une desserte conséquente en transports en commun.
Etablir un péage – octroi comme ici à Stockholm, c’est reconnaître que l’on délaisse la majeure partie de l’agglomération, en dehors du centre-ville. Le péage ne risque t-il pas en outre d’accentuer la gentryfication (concentration des ménages les plus aisés dans les quartiers centraux) d’un côté et la périurbanisation de l’autre ? Dans le premier cas, les plus favorisés sont ceux qui n’ont pas besoin de façon quotidienne de leur voiture (et qui se trouvent donc dispensés de péage) alors que dans le second cas, les automobilistes correspondent à des citadins habitant en périphérie ; certains par goût, d’autres parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer un loyer ou d’acheter un logement en cœur de ville.
Rappelons d’abord que la Suède compte un septième de la population française – un peu moins de 9 millions d’habitants – pour une superficie assez proche de celle de l’Hexagone (450 000 contre 550 000 km²). Plus de 80 % des Suédois vivent en ville. Un sur cinq réside dans ou à côté de la capitale. Les auteurs de l’article évaluent en effet à environ deux millions le nombre d’habitants que compte l’agglomération de Stockholm. A proximité du littoral sud-est du pays, celle-ci s’étend sur des îles fluviales entre un lac (Mälaren) et la mer Baltique. En l’absence de reliefs contraignants et malgré l’omniprésence des eaux de surface, les routes et autoroutes ont facilité l’étalement de l’agglomération, par étalement de ses périphéries (périurbanisation).
Le résultat est que le plan de Stockholm ressemble à une étoile. Les extrémités de chacune des branches se trouvent distantes d’au moins vingt-cinq kilomètres du centre (sauf vers l’est). L’aéroport international (Arlanda) est à une quarantaine de kilomètres au nord, tandis que cinquante kilomètres séparent la banlieue sud-ouest de Södertälje de celle – au nord-est – d’Akersberga. Un périmètre parisien ou londonien pour deux millions d’habitants.
Seule la voiture permet à un citadin de l’agglomération de circuler, au moins lorsque les transports en commun ne desservent pas les trajets visés. Or les îles de la partie centrale de Stockholm ne sont desservies que par un petit nombre de ponts routiers. Ceux-ci bloquent fatalement la circulation, entraînant aux heures de pointe des bouchons importants. Mais les journalistes ne s’intéressent pas à ces considérations géographiques. La grande affaire est ailleurs : le péage, « une expérience grandeur nature de contrôle des comportements destinée à réguler plus efficacement le trafic pendant la journée et à engager davantage d’usagers à emprunter les transports publics. » Les résultats paraissent néanmoins incohérents : 22 % de baisse à l’intérieur du périmètre payant, mais pas « d’impact significatif sur le nombre d’usagers des transports en commun. » On cherchera en vain une remarque négative sur les conséquences d’une surveillance des allers et venues des habitants.
Je préfère insister sur deux points. Le premier est qu’en Suède, comme dans de nombreux pays occidentaux, il y a une contradiction majeure entre une politique générale favorable pendant plusieurs décennies à l’utilisation de l’automobile – elle l’est encore en grande partie – et des décisions ponctuelles visant au contraire à l’enrayer. Pour que les voitures occupent une place plus limitée (souhaitable ?), il faut que leur nombre diminue, en particulier dans des espaces urbains aux dimensions fixes. Dans un Etat de droit, le seul procédé acceptable est l’impôt, seul garant d’une égalité de traitement entre citoyen. A condition que les électeurs valident la hausse des taxes sur l’essence, ou sur les voitures. L’autre condition est que les densités urbaines augmentent – au contraire de ce que l’on observe dans le cadre de la périurbanisation – avec une desserte conséquente en transports en commun.
Etablir un péage – octroi comme ici à Stockholm, c’est reconnaître que l’on délaisse la majeure partie de l’agglomération, en dehors du centre-ville. Le péage ne risque t-il pas en outre d’accentuer la gentryfication (concentration des ménages les plus aisés dans les quartiers centraux) d’un côté et la périurbanisation de l’autre ? Dans le premier cas, les plus favorisés sont ceux qui n’ont pas besoin de façon quotidienne de leur voiture (et qui se trouvent donc dispensés de péage) alors que dans le second cas, les automobilistes correspondent à des citadins habitant en périphérie ; certains par goût, d’autres parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer un loyer ou d’acheter un logement en cœur de ville.
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