Alors que le vieillissement provoque généralement un alarmisme de composition, trois articles récents (des 29 mai et 4 juin) méritent le détour. Ils suscitent la réflexion inverse, en ouvrant des perspectives optimistes : et si le vieillissement s’avérait être une chance ? Dans ce registre, le plus récent et le plus anecdotique – en apparence seulement – nous apprend qu’une banque française se lancera à la fin du mois dans le premier viager hypothécaire : Elle veut se donner la possibilité de prêter une somme minimale de 20.000 euros à une personne âgée, contre l’hypothèque de son bien immobilier. La banque pose comme préalable l’inactivité – les non retraités ne peuvent souscrire – et l’âge minimal de 65 ans sans limite supérieure, mais en revanche elle n’exige pas de bulletin de santé : un nonagénaire pourra emprunter jusqu’à 66 % de la valeur de son bien, contre 16 % seulement pour son cadet de 65 ans. Le remboursement interviendra au décès de l’emprunteur, par prélèvement sur la vente du bien immobilier de la somme complétée par les intérêts. En imposant un taux de 8,5 % sur lequel viennent s’ajouter les frais de dossier (4 %), la banque ne donne ni dans la philanthropie, ni dans l’œuvre de bienfaisance. Pour le montant – plancher évoqué ci-dessus, les intérêts s’élèvent à 2.500 euros la première année… et 1.700 euros par année suivante. A ce rythme, le total des intérêts dépasse la somme empruntée au bout de dix ans !
A l’instar de n’importe quel crédit, la personne âgée améliore instantanément son pouvoir d’achat, même si elle entame son capital. La clientèle des emprunteurs potentiels est aussi large que le nombre des plus de 65 ans : environ 10 millions de Français. « Le pari que nous prenons […], c'est qu'au décès, la dette ne dépasse pas la valeur du bien. » se défend le président de l’établissement. Tout semble effectivement prévu pour protéger les héritiers. « Le prêt s'éteint au décès de l'emprunteur. Si la valeur résiduelle du logement est supérieure au montant du prêt, ils récupèrent le surplus. À l'inverse, la banque ne peut rien leur réclamer si la dette est supérieure à la valeur du bien. » Par ces clauses, la banque tente de se préserver de l’étique infâmante de l’usure. Pour raccourcir autant que possible la durée des emprunts, elle avantage les hommes par rapport aux femmes, les nonagénaires plutôt que les sexagénaires. Le but est d’éviter par tous les moyens un non recouvrement. On peut supposer que l’organisme prêteur se prémunit aussi contre un retournement de tendance, c’est-à-dire à une baisse des prix de l’immobilier.
Il reste à savoir si ce type de prêt influencera le marché : oui, si les sommes prêtées servent à acheter des appartements ou de maisons. Ce type d’investissement paraît a priori mal convenir aux plus de 65 ans, sauf s’ils recourent à ces viagers hypothécaires pour contourner l’imposition à l’ISF, par exemple, dans une optique de défiscalisation déguisée [Suggestion d’Alexandre Delaigue]. Les classes d’âge visées pèsent d’ores et déjà lourdement sur les prix immobiliers « Dès 50 ans, les deux tiers des Français sont propriétaires, arrivés à la retraite, ils sont libérés des remboursements. Ils possèdent au total 60 % du parc immobilier » [voir article J.-F. Arnaud] Peut-être éprouveront-ils des difficultés à aller plus loin ?
Jean-François Arnaud, dans le deuxième article annoncé, part quant à lui sur une équation séduisante : dix millions de seniors équivalent à dix millions de consommateurs, parmi lesquels une forte minorité disposent d’un pouvoir d’achat élevé. « Dès 50 ans, les deux tiers des Français sont propriétaires […]. Ils possèdent au total 60 % du parc immobilier. [Les sexagénaires les plus dynamiques…] sont cultivés, adeptes d'équipements sophistiqués, de sport et de voyages. Ils sont très attachés à la qualité de ce qu'ils achètent et de ce qu'ils mangent. Ils sont déjà choyés par les marques de camping-cars, des agences de voyage et des magasins de jardinage et de bricolage.»
Les Sénioriales témoignaient récemment de cette chasse au marché – cible. Cette clientèle cible attire logiquement les convoitises. Le journaliste ne nie pas les défis (« Les plus de 65 ans […] représenteront 20 % de la population en 2020, et 25 % en 2040. ») et rappelle le sens de la loi Fillon de 2003 « qui, entre autres mesures, allonge la durée de cotisation progressivement pour l'ensemble des actifs à 40 ans en 2008 et 41 ans en 2012. » S’appuyant sur une étude de la banque HSBC, il préfère quand même insister sur la redistribution par les impôts, le bénévolat et l’aide à la famille pour quantifier le rôle des plus âgés dans la société. Mais on ignore le mode de calcul : ne peut-on pas coûter à la collectivité à cause d’une maladie ou d’un accident plus ou moins pris en charge (auscultations, achats de médicaments, ou pire hospitalisation) tout en étant un bon contribuable et en donnant de son temps gratuitement ? La transmission de plus en plus tardive des biens immobiliers alourdit de surcroît le bilan.
Dans un article qui complète le dossier, le journaliste indique bien trois cas de retombées positives : un film au box-office en 2006 sur la vengeance du retour de la revanche d’un héros antédiluvien (dont ses groupies les plus anciens auraient même accepté qu’il montât sur le ring en chaise roulante), une émission d’une radio autrefois périphérique, ou encore des grands noms de la publicité. Tous ces exemples démontreraient l’émergence d’un nouveau marché… Jean-François Arnaud ne parvient – me semble-t-il – qu’à démontrer la dissociation entre âge et talent : certains restent imbattables, s’améliorent même en vieillissant… Sans que l’on puisse en tirer d’enseignement général ! Le journaliste passe vite sur les raisons pour lesquelles des acteurs, des hommes de radio ou de télévision, des journalistes, ou encore des hommes politiques se maintiennent en haut de l’affiche. Sans doute faut-il regretter les médiocres connivences, entre hommes de médias et hommes de pouvoir. Je constate surtout le fruit d’une triple conjonction : le conformisme d’une époque prospère et ennuyée, l’absence de relève intellectuelle, culturelle (etc.) combinée au refus de céder la place pour d’autres, et enfin la négation du vieillissement. Tel ou telle toujours sous le feu des caméras se contentent depuis des lustres de faire de la figuration. Pourquoi se forceraient-ils ? Leur seule présence suffit à renvoyer une image positive, l’idée fausse d’un temps qui s’interrompt. Le client est roi.
Jean-François Arnaud constate pour finir qu’aux Etat-Unis, l’Association des Retraités Américains (Americain Association of Retired Persons / AARP) représente un lobby redouté jusqu’au plus niveau de l’administration d’Etat à Washington. Elle s’attache à défendre les intérêts de ses adhérents, ce qui nous permet de revenir insensiblement à la question posée par le premier article, qui touchait aux futurs prêts – viagers. On note ici l’intérêt bien compris des baby-boomers, de ceux qui n’ont connu ni guerre mondiale, ni crise, ont joui de l’Etat – providence et du plein emploi. Préparent-ils les défis de demain et d’après-demain ? En partie seulement, si l'on considère la question à l’échelle d’une société. En consommant davantage, les plus vieux remplissent les carnets de commande des entreprises (et les importations ?), et favorisent indirectement l'emploi.
L'histoire du vieillard qu’on appelait indigne s'appuie néanmoins sur un personnage indélicat croquant l’héritage, au grand dam de ses descendants. Et le personnage de la farce, au théâtre, déclenche le rire lorsqu'il menace de déshériter ses enfants. Le monde est une vaste scène. Faut-il en pleurer ? A titre individuel, beaucoup de ce qui est dépensé ne sera en tout cas pas transmis. Dans la Tempête, après moi le déluge…
A l’instar de n’importe quel crédit, la personne âgée améliore instantanément son pouvoir d’achat, même si elle entame son capital. La clientèle des emprunteurs potentiels est aussi large que le nombre des plus de 65 ans : environ 10 millions de Français. « Le pari que nous prenons […], c'est qu'au décès, la dette ne dépasse pas la valeur du bien. » se défend le président de l’établissement. Tout semble effectivement prévu pour protéger les héritiers. « Le prêt s'éteint au décès de l'emprunteur. Si la valeur résiduelle du logement est supérieure au montant du prêt, ils récupèrent le surplus. À l'inverse, la banque ne peut rien leur réclamer si la dette est supérieure à la valeur du bien. » Par ces clauses, la banque tente de se préserver de l’étique infâmante de l’usure. Pour raccourcir autant que possible la durée des emprunts, elle avantage les hommes par rapport aux femmes, les nonagénaires plutôt que les sexagénaires. Le but est d’éviter par tous les moyens un non recouvrement. On peut supposer que l’organisme prêteur se prémunit aussi contre un retournement de tendance, c’est-à-dire à une baisse des prix de l’immobilier.
Il reste à savoir si ce type de prêt influencera le marché : oui, si les sommes prêtées servent à acheter des appartements ou de maisons. Ce type d’investissement paraît a priori mal convenir aux plus de 65 ans, sauf s’ils recourent à ces viagers hypothécaires pour contourner l’imposition à l’ISF, par exemple, dans une optique de défiscalisation déguisée [Suggestion d’Alexandre Delaigue]. Les classes d’âge visées pèsent d’ores et déjà lourdement sur les prix immobiliers « Dès 50 ans, les deux tiers des Français sont propriétaires, arrivés à la retraite, ils sont libérés des remboursements. Ils possèdent au total 60 % du parc immobilier » [voir article J.-F. Arnaud] Peut-être éprouveront-ils des difficultés à aller plus loin ?
Jean-François Arnaud, dans le deuxième article annoncé, part quant à lui sur une équation séduisante : dix millions de seniors équivalent à dix millions de consommateurs, parmi lesquels une forte minorité disposent d’un pouvoir d’achat élevé. « Dès 50 ans, les deux tiers des Français sont propriétaires […]. Ils possèdent au total 60 % du parc immobilier. [Les sexagénaires les plus dynamiques…] sont cultivés, adeptes d'équipements sophistiqués, de sport et de voyages. Ils sont très attachés à la qualité de ce qu'ils achètent et de ce qu'ils mangent. Ils sont déjà choyés par les marques de camping-cars, des agences de voyage et des magasins de jardinage et de bricolage.»
Les Sénioriales témoignaient récemment de cette chasse au marché – cible. Cette clientèle cible attire logiquement les convoitises. Le journaliste ne nie pas les défis (« Les plus de 65 ans […] représenteront 20 % de la population en 2020, et 25 % en 2040. ») et rappelle le sens de la loi Fillon de 2003 « qui, entre autres mesures, allonge la durée de cotisation progressivement pour l'ensemble des actifs à 40 ans en 2008 et 41 ans en 2012. » S’appuyant sur une étude de la banque HSBC, il préfère quand même insister sur la redistribution par les impôts, le bénévolat et l’aide à la famille pour quantifier le rôle des plus âgés dans la société. Mais on ignore le mode de calcul : ne peut-on pas coûter à la collectivité à cause d’une maladie ou d’un accident plus ou moins pris en charge (auscultations, achats de médicaments, ou pire hospitalisation) tout en étant un bon contribuable et en donnant de son temps gratuitement ? La transmission de plus en plus tardive des biens immobiliers alourdit de surcroît le bilan.
Dans un article qui complète le dossier, le journaliste indique bien trois cas de retombées positives : un film au box-office en 2006 sur la vengeance du retour de la revanche d’un héros antédiluvien (dont ses groupies les plus anciens auraient même accepté qu’il montât sur le ring en chaise roulante), une émission d’une radio autrefois périphérique, ou encore des grands noms de la publicité. Tous ces exemples démontreraient l’émergence d’un nouveau marché… Jean-François Arnaud ne parvient – me semble-t-il – qu’à démontrer la dissociation entre âge et talent : certains restent imbattables, s’améliorent même en vieillissant… Sans que l’on puisse en tirer d’enseignement général ! Le journaliste passe vite sur les raisons pour lesquelles des acteurs, des hommes de radio ou de télévision, des journalistes, ou encore des hommes politiques se maintiennent en haut de l’affiche. Sans doute faut-il regretter les médiocres connivences, entre hommes de médias et hommes de pouvoir. Je constate surtout le fruit d’une triple conjonction : le conformisme d’une époque prospère et ennuyée, l’absence de relève intellectuelle, culturelle (etc.) combinée au refus de céder la place pour d’autres, et enfin la négation du vieillissement. Tel ou telle toujours sous le feu des caméras se contentent depuis des lustres de faire de la figuration. Pourquoi se forceraient-ils ? Leur seule présence suffit à renvoyer une image positive, l’idée fausse d’un temps qui s’interrompt. Le client est roi.
Jean-François Arnaud constate pour finir qu’aux Etat-Unis, l’Association des Retraités Américains (Americain Association of Retired Persons / AARP) représente un lobby redouté jusqu’au plus niveau de l’administration d’Etat à Washington. Elle s’attache à défendre les intérêts de ses adhérents, ce qui nous permet de revenir insensiblement à la question posée par le premier article, qui touchait aux futurs prêts – viagers. On note ici l’intérêt bien compris des baby-boomers, de ceux qui n’ont connu ni guerre mondiale, ni crise, ont joui de l’Etat – providence et du plein emploi. Préparent-ils les défis de demain et d’après-demain ? En partie seulement, si l'on considère la question à l’échelle d’une société. En consommant davantage, les plus vieux remplissent les carnets de commande des entreprises (et les importations ?), et favorisent indirectement l'emploi.
L'histoire du vieillard qu’on appelait indigne s'appuie néanmoins sur un personnage indélicat croquant l’héritage, au grand dam de ses descendants. Et le personnage de la farce, au théâtre, déclenche le rire lorsqu'il menace de déshériter ses enfants. Le monde est une vaste scène. Faut-il en pleurer ? A titre individuel, beaucoup de ce qui est dépensé ne sera en tout cas pas transmis. Dans la Tempête, après moi le déluge…
P.S./ Dernier papier sur le vieillissement : Raymonde, cascadeuse multirécidiviste.
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