jeudi 17 juin 2010

Cage dorée et Tête d’Or (De l’impact d’un zoo sur les prix de l’immobilier dans Lyon)

A Lyon, le zoo municipal ouvre ces jours-ci une nouvelle aile, baptisée plaine africaine. Au milieu du parc de la Tête d’or, les animaux vagabondent depuis le milieu du mois dernier dans un enclos de trois hectares (« vaste territoire commun ») pourvu d’« abris en mélèze naturellement imputrescibles » (l’arbre des hautes altitudes et des confins sibériens), avec « une mise en scène méticuleuse »…
La correspondante régionale du Monde énumère la liste des cent trente pensionnaires soudain contraints à vivre en bonne intelligence – girafes, zèbres, etc. – dans ce « poumon vert des Lyonnais, entièrement gratuit ». On apprend dans le dernier tiers de l’article que la facture s’élève à 5,7 millions d’euros, réglée par la municipalité. Merci monsieur Collomb ! Car chacun en aura pour son argent, nous dit Sophie Landrin. Les responsables du zoo ne plaisantent pas sur « la biodiversité et le respect des écosystèmes ». En effet, la Tête d’or réconcilie la pédagogie avec la recherche scientifique. Dans le cadre de la protection des espèces menacées, le zoo héberge par exemple « quatre zèbres mâles de Grévy » (…). Chacun visite désormais la plaine africaine en suivant des « parcours ludiques ».
Malheureusement – termine la journaliste – « les éléphants et les grands fauves, notamment les lions de l’Atlas, dont il ne reste plus qu’une soixantaine de spécimens au monde, continuent de vivre dans des espaces étroits et vétustes.» [qui a dit, comme les Lyonnais ?] Je relève pour ma part que les aménageurs du zoo ont projeté de reconstituer trois zones dans l’enclos : la savane, une zone humide, et un milieu forestier (type Madagascar, précise l’article). N’y a-t-il pas un grand écart climatique entre le couloir rhodanien et l’Afrique ? Avec un peu plus de 800 millimètres de précipitations annuelles, la ville de Lyon me semble assez éloignée des milieux imités, respectivement caractérisés, soit par la moitié, soit par le double de précipitations. Avec trois mois en dessous de 5°C (déc.-fev : 3,2 / 2,6 / 4,5 °C), l’hiver lyonnais constitue un autre obstacle, sans même parler de l’absence de saison sèche, celle-là même qui sévit pendant la moitié de l’année dans la savane. A Lyon, les trois mois les plus secs ne se situent pas en été, mais entre décembre et février (59 / 54 / 54 mm).
Mais qu’importe, pourvu que cela soit ludique ! Le parc de la Tête d’or se situe à l’est de la presqu’île (confluence entre le Rhône et la Saône), dans le 6ème arrondissement. A deux kilomètres et demi de la place Bellecour (hyper – centre), tous les Lyonnais se réjouissent : les automobilistes accèdent sans l’ombre d’une difficulté aux places de stationnement proches du jardin public. Si, par un hasard malencontreux, ils se retrouvent bloqués dans un embouteillage sur les quais le long du Rhône, dans le tunnel de Caluire (juste au nord du parc) ou dans celui de la Croix-Rousse (à l’ouest) [Ici], ils pourront méditer sur ce que l’on aurait pu bâtir dans un tel périmètre, sachant le niveau moyen des prix de l’immobilier dans le 6ème arrondissement de Lyon (le deuxième plus cher… Après le 2ème, justement) [ici]
A raison de 3 543 € par m², trente mille m² (pour les trois hectares du zoo) représentent la somme théorique de 106,29 millions d’€. Certes, je compare le prix du m² constructible au m² de savane. A ma décharge, un promoteur procèderait à un tout autre calcul : trente mille m² multipliés par x niveaux. Ce même promoteur sait bien que les logements donnant sur le parc, ou à proximité immédiate, valent des fortunes ; les résidents n’aiment sans doute pas tous les safaris - photos, mais se féliciteront de voir leur propriété encore valorisée (dans quelle mesure ?) En conclusion, qui se plaindra ? Le parc de la Tête d’or se voit gratifié d’un poumon vert - savane, et les zèbres pourront se reproduire dans leur cage dorée.

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