Les bonnes raisons ne manquent pas pour écrire aujourd’hui sur le Mexique. Le Monde y consacre un article, dont l’idée centrale est que le pays s’enfonce dans un chaos politique à l’issue imprévisible. « ‘Nous sommes au bord d’une guerre civile’ s’alarme le peintre Francisco Toledo », un Mexicain plus ou moins représentatif (?) cité en conclusion par Joëlle Stolz.
Le remue-ménage mexicain date au moins de plusieurs semaines : grève d’enseignants dans l’Etat d’Oaxaca qui a dégénéré en semi – insurrection, élection présidentielle se terminant par une victoire étriquée du vainqueur, propre à déchaîner la contestation de ses adversaires. Ceux-ci ont clairement mis en péril les institutions républicaines en tentant d’empêcher physiquement le successeur de Vicente Fox de recevoir son investiture à la chambre des Députés. Ils ont réitéré en constituant un gouvernement parallèle, autoproclamé unique détenteur de la légitimité populaire.
Ce pays de près de 110 millions d’habitants est un continent à lui tout seul. Avec un peu moins de 2 millions de km², sa superficie équivaut à celles de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume – Uni réunis. Un Californien passant la frontière avec le Mexique et voulant se rendre au Guatemala doit parcourir 3 000 kilomètres ; comme un Moscovite désirant se baigner sur les côtes françaises de l’Atlantique. Sur la carte générale la forme en presqu’île donne l’impression que le Mexique s’amoindrit vers le sud en une étroite bande de terre séparant l’océan Pacifique des Caraïbes. L’échelle infirme cette impression. Entre le port colonial de Veracruz sur la côte du golfe du Mexique, où débarquèrent les armées espagnoles – puis plus tard françaises – et la station balnéaire d’Acapulco sur le Pacifique, il y a 500 kilomètres.
Dans l’ancienne vice-royauté espagnole, rien n’est par conséquent à l’échelle d’un Hexagone : les généralisations globalisantes ne tiennent pas. Et pourtant, la tentation est grande de déterminer la crise que traverse le pays selon ses propres goûts. Les arguments foisonnent pour montrer que l’agitation persistante de l’Etat d’Oaxaca s’inscrit dans plusieurs schémas considérés comme classiques : oppositions entre le centre macrocéphalique de Mexico (un Mexicain sur cinq y réside, deux fois la population francilienne) et la périphérie ; entre le Mexique urbain et développé et le Mexique rural, vivant quasi en autosubsistance d’une petite polyculture ; entre les régions attirantes comme le Yucatan (Cancun et Chichén Itzá) et les régions ignorées par la majorité des touristes …
Tout n’est pas à rejeter, bien sûr. Il existe des traits spécifiques dans cette partie du Mexique en insurrection, dans ce sud tropical humide si différent des tierras templadas d’altitude. Les zones montagneuses boisées et inaccessibles sont plus présentes que dans d’autres secteurs du pays, d’où de faibles densités moyennes. L’isolement se mesure aussi par l’importance prise par les populations indigènes. L’Etat de Oaxaca (95 000 km²) regroupe une faible proportion de la population nationale : 3,6 millions d’habitants en 2003 [4,22 millions pour 74 000 km² dans le Chiapas du sous – commandant Marcos].
Ces deux Etats arrivent cependant en tête pour la part de populations indiennes unilingues, ne parlant pas l’espagnol : 10 % au Chiapas et 8 % dans l’Oaxaca. Cela étant – voir aussi ici - le Mexique compte d’autres régions à forte concentration amérindienne : région de Puebla (communautés dites préservées par l’administration fédérale), Etats voisins du Campeche ou du Guerrero (communautés bilinguisées). Or, faute de bruits de barricades, il semble raisonnable de considérer ces régions comme étant en paix (relative ?)
Mais les rumeurs de guerre civile m’incitent à terminer ce papier par une évocation d’un passé pas si lointain. Je ne juge pas l’histoire comme déterminante. Son étude apporte toutefois des renseignements précieux sur les tensions sociales anciennes, sur la place surdimensionnée donnée à la paysannerie, sur la question cruciale du métissage, sur l’importance donnée à la religion catholique, sur les rapports des élites à l’Europe, aux Etats-Unis, ou encore sur les modes de fonctionnement du personnel politique mexicain. Entre la proclamation d’indépendance de 1813 – lointaine répercussion des guerres menées par les Français – et la dictature de Benito Juarez (1867), le Mexique a connu un demi-siècle d’instabilité. Mais entre 1910 et 1919 (mort de Zapata), puis entre 1927 et 1929 (Cristeros), c’est par dizaines de milliers que des Mexicains sont morts à cause de la guerre civile.
Même s’il n’en faut pas simplifier les mécanismes déclencheurs, la guerre civile constitue donc une menace à ne pas balayer d’un revers de main. A l’époque de la Révolution, l’armée américaine avait fini par intervenir directement dans le conflit, au printemps 1916 (général Pershing).
Le remue-ménage mexicain date au moins de plusieurs semaines : grève d’enseignants dans l’Etat d’Oaxaca qui a dégénéré en semi – insurrection, élection présidentielle se terminant par une victoire étriquée du vainqueur, propre à déchaîner la contestation de ses adversaires. Ceux-ci ont clairement mis en péril les institutions républicaines en tentant d’empêcher physiquement le successeur de Vicente Fox de recevoir son investiture à la chambre des Députés. Ils ont réitéré en constituant un gouvernement parallèle, autoproclamé unique détenteur de la légitimité populaire.
Ce pays de près de 110 millions d’habitants est un continent à lui tout seul. Avec un peu moins de 2 millions de km², sa superficie équivaut à celles de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume – Uni réunis. Un Californien passant la frontière avec le Mexique et voulant se rendre au Guatemala doit parcourir 3 000 kilomètres ; comme un Moscovite désirant se baigner sur les côtes françaises de l’Atlantique. Sur la carte générale la forme en presqu’île donne l’impression que le Mexique s’amoindrit vers le sud en une étroite bande de terre séparant l’océan Pacifique des Caraïbes. L’échelle infirme cette impression. Entre le port colonial de Veracruz sur la côte du golfe du Mexique, où débarquèrent les armées espagnoles – puis plus tard françaises – et la station balnéaire d’Acapulco sur le Pacifique, il y a 500 kilomètres.
Dans l’ancienne vice-royauté espagnole, rien n’est par conséquent à l’échelle d’un Hexagone : les généralisations globalisantes ne tiennent pas. Et pourtant, la tentation est grande de déterminer la crise que traverse le pays selon ses propres goûts. Les arguments foisonnent pour montrer que l’agitation persistante de l’Etat d’Oaxaca s’inscrit dans plusieurs schémas considérés comme classiques : oppositions entre le centre macrocéphalique de Mexico (un Mexicain sur cinq y réside, deux fois la population francilienne) et la périphérie ; entre le Mexique urbain et développé et le Mexique rural, vivant quasi en autosubsistance d’une petite polyculture ; entre les régions attirantes comme le Yucatan (Cancun et Chichén Itzá) et les régions ignorées par la majorité des touristes …
Tout n’est pas à rejeter, bien sûr. Il existe des traits spécifiques dans cette partie du Mexique en insurrection, dans ce sud tropical humide si différent des tierras templadas d’altitude. Les zones montagneuses boisées et inaccessibles sont plus présentes que dans d’autres secteurs du pays, d’où de faibles densités moyennes. L’isolement se mesure aussi par l’importance prise par les populations indigènes. L’Etat de Oaxaca (95 000 km²) regroupe une faible proportion de la population nationale : 3,6 millions d’habitants en 2003 [4,22 millions pour 74 000 km² dans le Chiapas du sous – commandant Marcos].
Ces deux Etats arrivent cependant en tête pour la part de populations indiennes unilingues, ne parlant pas l’espagnol : 10 % au Chiapas et 8 % dans l’Oaxaca. Cela étant – voir aussi ici - le Mexique compte d’autres régions à forte concentration amérindienne : région de Puebla (communautés dites préservées par l’administration fédérale), Etats voisins du Campeche ou du Guerrero (communautés bilinguisées). Or, faute de bruits de barricades, il semble raisonnable de considérer ces régions comme étant en paix (relative ?)
Mais les rumeurs de guerre civile m’incitent à terminer ce papier par une évocation d’un passé pas si lointain. Je ne juge pas l’histoire comme déterminante. Son étude apporte toutefois des renseignements précieux sur les tensions sociales anciennes, sur la place surdimensionnée donnée à la paysannerie, sur la question cruciale du métissage, sur l’importance donnée à la religion catholique, sur les rapports des élites à l’Europe, aux Etats-Unis, ou encore sur les modes de fonctionnement du personnel politique mexicain. Entre la proclamation d’indépendance de 1813 – lointaine répercussion des guerres menées par les Français – et la dictature de Benito Juarez (1867), le Mexique a connu un demi-siècle d’instabilité. Mais entre 1910 et 1919 (mort de Zapata), puis entre 1927 et 1929 (Cristeros), c’est par dizaines de milliers que des Mexicains sont morts à cause de la guerre civile.
Même s’il n’en faut pas simplifier les mécanismes déclencheurs, la guerre civile constitue donc une menace à ne pas balayer d’un revers de main. A l’époque de la Révolution, l’armée américaine avait fini par intervenir directement dans le conflit, au printemps 1916 (général Pershing).
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