mardi 15 juin 2010

L'Arménie, sur les ruines de l'empire Ottoman (suite)

En furetant sur la Toile, je trouve un exposé approfondi portant sur les causes et les circonstances du démembrement de l’Empire ottoman : Comment l’Empire ottoman fut dépecé. Son auteur, Henry Laurens suit un fil directeur qui ne me séduit qu’à moitié, uniquement structuré par un raisonnement diplomatique. L’histoire se réduit à l’écouter aux seules relations internationales. L’auteur laisse en outre de côté les Arméniens, et tout ce qui ne traite pas de la Palestine et de la Syrie. Dans une tradition bien ancrée au quai d’Orsay, H. Laurens imagine que chaque décision prise à Londres recèle une intention francophobe. Je reste circonspect devant les arguments qu’il avance.
Alors pourquoi recourir à ses services ?! Les faits décrits restent malgré tout dignes d’intérêt, parce qu’ils révèlent beaucoup de la bêtise de certains diplomates et officiers. « Un certain nombre d’esprits romantiques du Caire, dont le plus célèbre sera T.E. Lawrence, le futur Lawrence d’Arabie, misent sur une renaissance arabe qui, fondée sur l’authenticité bédouine, se substituerait à la corruption ottomane et au levantinisme francophone. Ces bédouins, commandés par les fils de Hussein, les princes de la dynastie hachémite, accepteront naturellement une tutelle britannique ‘bienveillante’. » Le lecteur un peu attentif relève sans doute l’usage du futur dans le passé qui trahit son auteur en flagrant délit professionnel : l’intentionnalité décidée a posteriori par quelqu’un qui connaît le contexte, la suite des événements ; bien davantage que les témoins de l’époque.
Mais je préfère insister sur la phraséologie employée dans l’extrait précédent, par moi soulignée en gras. Il y a manifestement des rajouts de la part de l’auteur lui-même. L’ignorance géographique éclate ici dans cette juxtaposition de contresens, clichés, idées approximatives. Sans parler de l’idéologie nationaliste importée d’Europe, ou de l’obsession du combat du pur (le peuple) contre l’impur (l’empire). Tout ce fatras conduit à une condamnation sans procès de l’empire Ottoman et aux fixations d’Etats artificiels. L’article d’Henri Laurens éclaire aussi la question des objectifs jugés prioritaires par les alliés occidentaux en 1914 – 15 dans la zone de l’empire Ottoman. Il insiste sur leur désir d’accroître leur influence, mais semble ne pas voir la corrélation avec la situation vécue par les chrétiens de l’empire après le déclenchement de la guerre. Celle-ci se dégrade brusquement : H. Laurens montre que les Arméniens ne sont pas les seuls martyrisés. Mais il se tait sur la responsabilité des Français et Britanniques. Ceux-ci se trouvent soudain transformés – aux yeux du pouvoir ottoman – en d’infâmes traîtres méritant les pires exactions !
Sans aller jusqu’à écrire le mot de fourberie, il ajoute qu’Istanbul déclare la guerre sainte. Voilà donc ce qui en retour inquièterait les Anglais et les Français. Mais ils ont eux-mêmes provoqué la déstabilisation de l’Empire et seraient soucieux des conséquences ? Pourquoi auraient-ils peur de la guerre sainte, quand les uns revalorisent l’islam qui produit des élites locales – relais du pouvoir colonial, quand les autres soulèvent des tribus bédouines avec comme récompense promise la récupération des Lieux Saints, et quand tous font la preuve d’un mépris complet pour ce qui n’est pas Européen ?
Le plus important est ailleurs : le sort des Chrétiens de l’Empire ne constitue manifestement pas une préoccupation majeure pour les diplomates occidentaux au début de la guerre de 14. Sauf en 2006.

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