Le Monde du 21 octobre relaye une grande nouvelle : le groupe Vinci commercialise un goudron glouton qui absorbe la pollution. Il s’agit non de la découverte d’un produit miraculeux, mais de l’inauguration d’un nouveau revêtement dans des rues d’une petite ville du nord de la Bretagne. La journaliste Isabelle Rey-Lefebvre laisse le soin au directeur de recherche du groupe d’expliquer le procédé :
“Ce coulis de quelques centimètres d’épaisseur recouvre le revêtement classique de la route, […] Le ciment contient du dioxyde de titane, qui réagit au rayonnement du soleil ou à la lumière artificielle d’un parking par exemple. Cette réaction, dite de photocatalyse, piège les molécules de dioxyde d’azote et les transforme en nitrates rejetés à doses infinitésimales. Ces rejets se font à des concentrations très en deçà des seuils considérés comme polluants.“
Elle complète ce commentaire par un bilan à l’échelle nationale d’une pollution à l’oxyde d’azote, élément présenté comme nocif : un million de tonnes libérées dans l’atmosphère chaque année. Isabelle Rey-Lefebvre note cependant que près de la moitié proviennent directement des pots d’échappement (46 %), et que les tests donnent des résultats disparates. Mais la foi sauve, sous-entend-elle : les bénéfices escomptés dépassent l’entendement, et touchent à l’amélioration de la santé publique. Il faudra en tout cas de solides arguments pour convaincre les collectivités locales : « ce revêtement coûte entre 10 et 15 euros le mètre carré, soit le double d’un revêtement classique. Ce qui entraîne un surcoût de 20 % à 30 % pour l’ensemble d’une route. »
En attendant un recours systématique (?) au NOxer (c’est son nom), il faudra s’habituer à voir cohabiter pendant longtemps deux catégories de routes. Livrons-nous à un calcul pour Dinan. Un habitant prend sa voiture pour venir faire des coursesdans la cité de Du Guesclin ; il roule dix kilomètres. Imaginons-le très soucieux de l’environnement : il parcourt donc les 2 500 m² de rues nouvellement enrobées, c’est-à-dire un quart de son trajet. Si l’on ôte la part irrémédiablement renvoyée dans l’atmosphère, le NOxer a donc permis de capter un quart du restant : très exactement 13,5 % de l’oxyde d’azote produit à l’occasion de ce trajet effectué à Dinan par l’automobiliste ici étudié.
Mais l’ironie est facile. Je préfère m’appesantir sur une question délaissée par la journaliste, qui concerne le ruissellement des eaux provoqué par le goudronnage. Car 100 % de l’eau de pluie cesse de pénétrer dans les sols. Une fois collectée la statistique sur la pluviométrie moyenne de Dinan (renseignement ici) – 462 mm par an, c’est-à-dire 462 litres par m² – on peut calculer que 2500 m² de routes vont entraîner le rejet de 462 x 2500 : plus de mille (1155 exactement) mètres – cubes d’eau. En cas d’orage important, vingt millimètres représentent pour cette même surface 50 mètres cubes d’eau déversés dans les canalisations, que la station d’épuration de Dinan doit en théorie prendre en charge.
Les chiffres m’étourdissent et j’ai bien peur en continuant d’étaler mes insuffisances. Il me semble toutefois que le goudron, même révolutionnaire, renvoie surtout à la question de la gestion de l’eau. Il est logique que le premier groupe mondial de travaux publics vante les mérites de l’un de ses produits. Il revient en revanche aux observateurs de rappeler l’ordre des priorités : l’extension des surfaces goudronnées en France pose d’abord la question de la gestion des eaux de ruissellement, du gonflement ponctuel des cours d’eau et des inondations qui en résultent. En attendant, l’environnement fait vendre !
“Ce coulis de quelques centimètres d’épaisseur recouvre le revêtement classique de la route, […] Le ciment contient du dioxyde de titane, qui réagit au rayonnement du soleil ou à la lumière artificielle d’un parking par exemple. Cette réaction, dite de photocatalyse, piège les molécules de dioxyde d’azote et les transforme en nitrates rejetés à doses infinitésimales. Ces rejets se font à des concentrations très en deçà des seuils considérés comme polluants.“
Elle complète ce commentaire par un bilan à l’échelle nationale d’une pollution à l’oxyde d’azote, élément présenté comme nocif : un million de tonnes libérées dans l’atmosphère chaque année. Isabelle Rey-Lefebvre note cependant que près de la moitié proviennent directement des pots d’échappement (46 %), et que les tests donnent des résultats disparates. Mais la foi sauve, sous-entend-elle : les bénéfices escomptés dépassent l’entendement, et touchent à l’amélioration de la santé publique. Il faudra en tout cas de solides arguments pour convaincre les collectivités locales : « ce revêtement coûte entre 10 et 15 euros le mètre carré, soit le double d’un revêtement classique. Ce qui entraîne un surcoût de 20 % à 30 % pour l’ensemble d’une route. »
En attendant un recours systématique (?) au NOxer (c’est son nom), il faudra s’habituer à voir cohabiter pendant longtemps deux catégories de routes. Livrons-nous à un calcul pour Dinan. Un habitant prend sa voiture pour venir faire des coursesdans la cité de Du Guesclin ; il roule dix kilomètres. Imaginons-le très soucieux de l’environnement : il parcourt donc les 2 500 m² de rues nouvellement enrobées, c’est-à-dire un quart de son trajet. Si l’on ôte la part irrémédiablement renvoyée dans l’atmosphère, le NOxer a donc permis de capter un quart du restant : très exactement 13,5 % de l’oxyde d’azote produit à l’occasion de ce trajet effectué à Dinan par l’automobiliste ici étudié.
Mais l’ironie est facile. Je préfère m’appesantir sur une question délaissée par la journaliste, qui concerne le ruissellement des eaux provoqué par le goudronnage. Car 100 % de l’eau de pluie cesse de pénétrer dans les sols. Une fois collectée la statistique sur la pluviométrie moyenne de Dinan (renseignement ici) – 462 mm par an, c’est-à-dire 462 litres par m² – on peut calculer que 2500 m² de routes vont entraîner le rejet de 462 x 2500 : plus de mille (1155 exactement) mètres – cubes d’eau. En cas d’orage important, vingt millimètres représentent pour cette même surface 50 mètres cubes d’eau déversés dans les canalisations, que la station d’épuration de Dinan doit en théorie prendre en charge.
Les chiffres m’étourdissent et j’ai bien peur en continuant d’étaler mes insuffisances. Il me semble toutefois que le goudron, même révolutionnaire, renvoie surtout à la question de la gestion de l’eau. Il est logique que le premier groupe mondial de travaux publics vante les mérites de l’un de ses produits. Il revient en revanche aux observateurs de rappeler l’ordre des priorités : l’extension des surfaces goudronnées en France pose d’abord la question de la gestion des eaux de ruissellement, du gonflement ponctuel des cours d’eau et des inondations qui en résultent. En attendant, l’environnement fait vendre !
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