Retournons d’abord à l’histoire contemporaine de l’urbanisme parisien (voir ici) pour comprendre les enjeux les plus récents, la fossilisation des rues et perspectives dans la capitale, et l’augmentation des prix de l’immobilier. Un article du Monde arrive ensuite. La dernière grande refonte du tissu urbain parisien date du Second Empire. On assimile celle-ci au préfet de la Seine de Napoléon III, depuis lors associé à l’immeuble d’une vingtaine de mètres, unité de façade pour les avenues et places ouvertes ou réaménagées avant (parfois après) 1870. L’hygiénisme apparu à la fin du siècle précédent s’impose, qui devient par la suite obsessionnel et crédite de toutes les vertus la circulation de l’air.
Dans une ville qui ne s’étend pratiquement plus par la suite, les innovations architecturales se raréfient, les urbanistes et architectes balançant entre deux tendances : la première, assez originale, privilégie la conservation absolue – règlement de 1902 et Plan Local d’Urbanisme de 2001 –. La seconde s’avère plus banale au regard d’autres agglomérations comparables, qui sacrifie aux modes des années d’après-guerre : place réservée aux grands axes de circulation automobile, zonage par activités bien séparées (ainsi les bureaux se trouvent distants des habitations), disparition de la rue, construction de grands immeubles anonymes et création d’espaces publics plus ou moins verdoyants.
Par les erreurs commises, comme celle qui aboutit à l’aménagement des Halles, bien tardivement critiqué (… Et en cours de réaffectation, après de nombreuses discussions et un concours international agité), l’urbanisme non – conservateur, celui qui vise une transformation du bâti, a perdu tout soutien à Paris. Il ne m’appartient pas ici de juger, mais de montrer quels pièges se cachent. Le tout est de garder en tête les images de la capitale, son homogénéité et en même temps ses quartiers spécifiques ; je ne nie pas ce que Paris présente d’admirable.
Une simple remarque s’impose au préalable. L’idée d’une transformation urbaine, pour un quartier ou même pour un simple pâté de maisons, nécessite des moyens juridiques. Il s’agit d’abord du droit de préemption, c’est-à-dire la possibilité pour la mairie de passer devant un acheteur pour un terrain ou un immeuble. Ce droit débouche sur un achat, mais au prix du marché. Et les biens convoités par la mairie de Paris ne courent pas les rues. Plus radicale est l’expropriation. Celle-ci n’exclut pas un dédommagement financier. Elle seule permet de concevoir un projet à l’échelle d’un quartier. On constate cependant en France que son recours correspond (exclusivement ?) à deux situations : l’insalubrité avérée, et la construction d’axes routiers. Concernant Paris et le prix moyen de l’immobilier, les immeubles à l’abandon existent sans doute, mais en quelle infime proportion ? Je passe sous silence l’autre cas de figure.
Le terme de fossilisation – qui en heurtera plus d’un – convient donc à la description de Paris. Il faut bien avouer que l’expropriation inclut l’idée d’une menace sur la propriété, c’est-à-dire ressentie par l’ensemble des propriétaires ; ceux-là même qui n’oublient pas de voter le moment venu. Des fissures occasionnées dans des immeubles du centre de Paris lors du percement récent d’un nouveau tronçon de métro (Eole ?) et leur écho dans la presse quotidienne en disent long sur cette situation… Toucher aux immeubles parisiens ou évoquer un plan d’urbanisme, c’est un peu parler des Français aux Moscovites, de la Luftwaffe aux Londoniens.
L’article du jour, dans le Monde, signé par Frédéric Edelmann et Emmanuel de Roux, montre que la situation actuelle de Paris ne risque pas d’évoluer. En l’occurrence, les grues vont incessamment revenir à la Défense pour la construction d’une nouvelle tour. Imaginez le scandale, dans un tel quartier ! Il atteindra 300 mètres de haut pour une surface totale de 130 000 m² de bureaux, et constituera le premier objectif d’un plan qui « prévoit aussi la démolition, puis la reconstruction de dix-sept immeubles totalisant 150 000 mètres-carrés, avec la possibilité d’augmenter leurs surfaces. »
L’article rappelle en outre qu’un autre immeuble (88 mètres) surgira bientôt dans le ciel de Boulogne, en attendant des projets à Levallois, Clichy, Aubervilliers et Issy-les-Moulineaux. Les journalistes restent sobres et ménagent ainsi les susceptibilités en évoquant les constructions inesthétiques qui auraient effrayé durablement les Parisiens (sans rien dire de la tour Eiffel) : « Une chose est sûre, les tours sont devenues la bête noire d’une partie de la population parisienne et la terreur de l’équipe municipale en place. » L’autre raison serait que la tour Montparnasse a donné un mauvais exemple : façades uniformes, rez-de-chaussée et étages inférieurs gelés.
En conclusion, la situation tendue de l’immobilier parisien résulte d’une rareté choisie, maintenue démocratiquement par une majorité de la population résidente, dont l’opinion trouve logiquement un fort écho dans l’équipe municipale au pouvoir. Car le déséquilibre entre l’offre et la demande force les prix à la hausse. Chaque propriétaire y trouve son compte, d’autant que les impôts locaux tiennent la comparaison avec ce que l’on observe dans d’autres villes françaises. Du point de vue de l’automobiliste banlieusard, celui qui ne peut plus depuis des lustres résider dans Paris intra muros, la conservation absolutiste du bâti rend en outre difficile la construction de parkings, qui pourraient faciliter l’utilisation de la voiture : détail non négligeable une fois décidée la restriction de l’automobile dans Paris. Quel bel écrin coûteux. Et pendant ce temps :
Les tours entourant Paris laissent Paris indifférent.
PS./ Dernier article sur Paris
Dans une ville qui ne s’étend pratiquement plus par la suite, les innovations architecturales se raréfient, les urbanistes et architectes balançant entre deux tendances : la première, assez originale, privilégie la conservation absolue – règlement de 1902 et Plan Local d’Urbanisme de 2001 –. La seconde s’avère plus banale au regard d’autres agglomérations comparables, qui sacrifie aux modes des années d’après-guerre : place réservée aux grands axes de circulation automobile, zonage par activités bien séparées (ainsi les bureaux se trouvent distants des habitations), disparition de la rue, construction de grands immeubles anonymes et création d’espaces publics plus ou moins verdoyants.
Par les erreurs commises, comme celle qui aboutit à l’aménagement des Halles, bien tardivement critiqué (… Et en cours de réaffectation, après de nombreuses discussions et un concours international agité), l’urbanisme non – conservateur, celui qui vise une transformation du bâti, a perdu tout soutien à Paris. Il ne m’appartient pas ici de juger, mais de montrer quels pièges se cachent. Le tout est de garder en tête les images de la capitale, son homogénéité et en même temps ses quartiers spécifiques ; je ne nie pas ce que Paris présente d’admirable.
Une simple remarque s’impose au préalable. L’idée d’une transformation urbaine, pour un quartier ou même pour un simple pâté de maisons, nécessite des moyens juridiques. Il s’agit d’abord du droit de préemption, c’est-à-dire la possibilité pour la mairie de passer devant un acheteur pour un terrain ou un immeuble. Ce droit débouche sur un achat, mais au prix du marché. Et les biens convoités par la mairie de Paris ne courent pas les rues. Plus radicale est l’expropriation. Celle-ci n’exclut pas un dédommagement financier. Elle seule permet de concevoir un projet à l’échelle d’un quartier. On constate cependant en France que son recours correspond (exclusivement ?) à deux situations : l’insalubrité avérée, et la construction d’axes routiers. Concernant Paris et le prix moyen de l’immobilier, les immeubles à l’abandon existent sans doute, mais en quelle infime proportion ? Je passe sous silence l’autre cas de figure.
Le terme de fossilisation – qui en heurtera plus d’un – convient donc à la description de Paris. Il faut bien avouer que l’expropriation inclut l’idée d’une menace sur la propriété, c’est-à-dire ressentie par l’ensemble des propriétaires ; ceux-là même qui n’oublient pas de voter le moment venu. Des fissures occasionnées dans des immeubles du centre de Paris lors du percement récent d’un nouveau tronçon de métro (Eole ?) et leur écho dans la presse quotidienne en disent long sur cette situation… Toucher aux immeubles parisiens ou évoquer un plan d’urbanisme, c’est un peu parler des Français aux Moscovites, de la Luftwaffe aux Londoniens.
L’article du jour, dans le Monde, signé par Frédéric Edelmann et Emmanuel de Roux, montre que la situation actuelle de Paris ne risque pas d’évoluer. En l’occurrence, les grues vont incessamment revenir à la Défense pour la construction d’une nouvelle tour. Imaginez le scandale, dans un tel quartier ! Il atteindra 300 mètres de haut pour une surface totale de 130 000 m² de bureaux, et constituera le premier objectif d’un plan qui « prévoit aussi la démolition, puis la reconstruction de dix-sept immeubles totalisant 150 000 mètres-carrés, avec la possibilité d’augmenter leurs surfaces. »
L’article rappelle en outre qu’un autre immeuble (88 mètres) surgira bientôt dans le ciel de Boulogne, en attendant des projets à Levallois, Clichy, Aubervilliers et Issy-les-Moulineaux. Les journalistes restent sobres et ménagent ainsi les susceptibilités en évoquant les constructions inesthétiques qui auraient effrayé durablement les Parisiens (sans rien dire de la tour Eiffel) : « Une chose est sûre, les tours sont devenues la bête noire d’une partie de la population parisienne et la terreur de l’équipe municipale en place. » L’autre raison serait que la tour Montparnasse a donné un mauvais exemple : façades uniformes, rez-de-chaussée et étages inférieurs gelés.
En conclusion, la situation tendue de l’immobilier parisien résulte d’une rareté choisie, maintenue démocratiquement par une majorité de la population résidente, dont l’opinion trouve logiquement un fort écho dans l’équipe municipale au pouvoir. Car le déséquilibre entre l’offre et la demande force les prix à la hausse. Chaque propriétaire y trouve son compte, d’autant que les impôts locaux tiennent la comparaison avec ce que l’on observe dans d’autres villes françaises. Du point de vue de l’automobiliste banlieusard, celui qui ne peut plus depuis des lustres résider dans Paris intra muros, la conservation absolutiste du bâti rend en outre difficile la construction de parkings, qui pourraient faciliter l’utilisation de la voiture : détail non négligeable une fois décidée la restriction de l’automobile dans Paris. Quel bel écrin coûteux. Et pendant ce temps :
Les tours entourant Paris laissent Paris indifférent.
PS./ Dernier article sur Paris
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire