vendredi 25 juin 2010

Les vieilles lunes à l’heure du nouvel An chinois. (Des précipitations hivernales en Chine, et des réponses du pouvoir central)


Le mauvais temps règne sur une grande partie de la Chine. En France, la presse parle de froid, mais la réalité dépasse l'entendement. L'anticyclone que les Européens situent en Sibérie et qui est centré sur le lac Baïkal ne désenfle pas pendant des semaines. Les couleurs correspondent à des zones limitées par des isobares, lignes reliant des points d'égales pressions. Le rouge représente les régions dans lesquelles la pression atmosphérique dépasse 1034 hectopascals. Suit un dégradé : rouge orangé (1029-1034 hPa), rouge rose (1024-1029), orange (1018-1024), et enfin orange pâle (1013-1024). Cette dernière couleur clôt la zone des hautes pressions caractéristiques de l'anticyclone. Sur la carte, les flèches rouges indiquent la direction des vents constants. Avec l'attraction terrestre, les mouvements d'air s'opèrent des hauteurs anticycloniques en direction des creux cycloniques : ici, le nord du Pacifique. La rotation terrestre provoque un effet de tourbillonnement également observable pour les liquides. Les vents de l'hémisphère boréal suivent donc un tracé en S pour relier l'anticyclone à la dépression.
Ces données générales nous amènent à comprendre le climat qui règne généralement au moment du nouvel An chinois. A l'instar de la continentalité observée en Amérique du nord, l'hiver en Chine se caractérise par sa froideur. Le thermomètre indique – 13 °C à Harbin (ville principale de la Mandchourie) en ce 4 février. L'anticyclone stabilise le temps pendant des semaines à des températures très inférieures à zéro. Dans la majorité des métropoles chinoises, il en résulte un brouillard de pollution inamovible. Les masses d'air se déplacent lentement, de l'intérieur des terres vers l'extérieur. Parce qu'elles sortent dans le sens inverse de la rentrée d'un air chaud et subtropical au cours de l'été, certains météorologues ont appelé ce phénomène persistant mousson d'hiver. Par cet oxymore, ils décrivent un hiver très froid et très sec.
Que l'anticyclone faiblisse, ou qu'il se déplace vers le nord, et l'air maritime rentre par le sud et l'est en Chine : les températures montent brusquement et la neige apparaît sur les régions subissant un froid modéré, entre + 1 (aujourd'hui, à Shanghai) et – 3°C. Comme souvent en pareilles circonstances, la presse occidentale signale discrètement la catastrophe en cours. Car la Chine orientale s'ouvre sans obstacles naturels sur le monde océanique, contrairement à l'Amérique du Nord, continent infiniment moins large que l'Asie, mais barrée par un système montagneux dont de nombreux sommets culminent à plus de 5.000 mètres (Rocheuses). Celui-ci bloque perpétuellement les entrées d'air chaud et humide d'origine pacifique. La moitié méridionale correspondant aux Etats-Unis présente toutefois de fortes similitudes avec la Chine, lorsque des vents marins venus des Caraïbes pénètrent vers le nord, par exemple le long de la vallée du Mississippi.
En Chine, le contexte de cette fin de mois de janvier – début de mois de février s'avère particulier, non seulement à cause de la coïncidence avec le calendrier lunaire, mais parce qu'à cette période, la végétation est entrée depuis plusieurs semaines dans une période de repos végétatif, pour résister au froid. Les herbages ne protègent pas les sols, et les arbres limitent leurs besoins en eau. Dans ces conditions, les précipitations constituent une calamité ; elles risquent à court terme de provoquer localement la liquéfaction des sols instables et plus généralement des mouvements de terrain : effets garantis sur le lac de retenue des Trois Gorges (bis). Sans vouloir jouer l'oiseau de mauvais augure, j'affirme que les Chinois doivent craindre le pire à cause de la fonte des neiges lors du redoux printanier. Surtout si les précipitations neigeuses continuent : cette période est d'ores et déjà présentée comme sans équivalent depuis cinquante ans. Il faut pourtant revenir sur le legs de soixante années de communisme, lui-même précédé par des décennies d'impéritie à Pékin a été jusque là dénommé pour ne fâcher personne désastre écologique.
Dans l'esprit d'un grand nombre d'Occidentaux (ne parlons pas des Chinois), il s'agirait d'un raccourci commode pour signifier que beaucoup de choses ne tournent pas rond en Chine. Mais au fond, c'est le prix à payer pour le développement. Reste à démontrer que le pillage des ressources produit par définition du développement. Au XIXème siècle en Europe ou en Amérique du Nord, l'Etat a contrecarré les abus des industriels, parfois tardivement. En Chine, l'Etat se contente d'oppresser les faibles et de protéger les puissants. Ainsi la déforestation a connu en France son maximum au moment du Second Empire, alors qu'il n'a jamais cessé en Chine. La déforestation – prédation va en tout cas coûter cher aux Chinois du centre et de l'ouest lors de la fonte des neiges.
Pendant ce temps les dirigeants de Pékin embrûment l'opinion, comme on peut le lire dans la Croix du 4 février sous la plume de Tristan de Bourbon (Les intempéries compromettent les fêtes du Nouvel An en Chine). Le correspondant frise l'impertinence dès le chapeau : « Soixante personnes au moins sont mortes en Chine, victimes d'épaisses chutes de neige. La machine gouvernementale est en marche pour aider la population et contenir sa colère. » Il montre que la propagande d'Etat dont on trouve les lointains effets dans le Monde, tente de camoufler sa nature réelle : asseoir son autorité branlante sur le malheur des gens ordinaires. Je gage que cela ne trompera pas grand monde sur place. Tristan de Bourbon donne plusieurs exemples : Hu Jintao « emmitouflé dans un gros anorak bleu foncé » recommandant aux mineurs d'extraire plus de charbon de la mine « pour aider le sud du pays touché par le manque d'énergie et les coupures d'électricité. » Si ce n'est le PCC, qui porte la responsabilité du recours à une source d'énergie aussi désuète que le charbon ? Wen Jibao, le premier ministre use quant à lui du porte-voix dans plusieurs gares, et devant les cameras, pour « ramener l'ordre et rassurer les passagers. » Si ce n'est le PCC, qui a imposé à la population esclave l'interdiction de se déplacer, et figé durablement la carte des gares et aéroports aujourd'hui pris d'assaut (tout en promettant dans un futur imprécis, la construction de dizaines d'infrastructures) ? Les dirigeants communistes adressent aux Chinois la même et invariable réponse, la promesse que le parti gère la situation : les vieilles lunes à l'heure du nouvel An chinois. Le redoux va probablement être plus chaud que les hiérarques de Pékin ne s'y attendent. Je ne peux que souhaiter de voir tant d'impudence châtiée... Aujourd'hui la Chine aborde ces questions sous un angle plus économique.

PS./ Dernier papier sur la Chine :


Incrustation : carte Chine...

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