mardi 15 juin 2010

L’Ile de France aime Bombardier. (De l’avenir des transports en commun en région parisienne)

Dans une note récente consacrée aux transports franciliens, je concluais sur l’idée que la compétitivité des transports en commun diminue au fur et à mesure que les densités baissent, que l’on quitte le centre-ville pour s’installer en périphérie. En banlieue, la demande se fractionne – autant de trajets que de voyageurs – et s’étale dans l’espace. Dans ces conditions, l’automobile s’avère très concurrentielle : plus séduisante parce qu’elle garantit contre le bruit et la promiscuité, elle coûte même moins cher à l’utilisateur sauf en cas de flambée momentanée des cours du pétrole.
Plus étonnant, « [u]ne étude reproche à la Ville de Paris de privilégier le bus au détriment du métro ». La journaliste du Monde (du 26 oct. 2006) Béatrice Jérome en retient les premières conclusions, avant que le public en ait connaissance. Pour Jean-Pierre Orfeuil et Marie-Hélène Massot, les deux auteurs, la politique municipale des transports privilégie des modes anecdotiques (vélos, bus, taxis) qui cumulent chacun moins de 10 % des déplacements. En revanche, le réseau ferré – entre un tiers et la moitié des distances parcourues – pâtirait d’un désintérêt. Les inactifs sont majoritaires dans le premier cas, mais pas dans le second.
Ainsi, « [l]es auteurs mettent en garde la Mairie contre une approche ‘strictement parisienne’ ». Cette remarque me paraît assez elliptique. J’ajouterais deux remarques basées sur un raisonnement déductif plus que sur des statistiques précises. On peut considérer en effet que les vélos, les autobus, et les taxis partagent des points communs géographiques. A priori, ils couvrent des distances plus courtes qu’un train ou même un métro, et leurs trajets s’inscrivent dans un territoire plus central (en particulier par rapport à un train de banlieue). Il convient d’ajouter une notion de répartition par âge de la population ; les jeunes de moins de quinze ans habitent proportionnellement davantage en banlieue et les plus de soixante-cinq ans dans Paris intra muros.
Selon toutes vraisemblances, la politique municipale correspond par conséquent aux vœux d’une partie importante des électeurs de Bertrand Delanoé : les Parisiens, et plus particulièrement parmi eux les retraités ; est-ce choquant ? Gageons en tout cas qu’un maire à la tête de toute l’agglomération parisienne, et non pas seulement des vingt arrondissements centraux prendrait en compte de facto les doléances de l’ensemble de ses électeurs potentiels ; automobilistes compris : [u]n automobiliste sur deux est banlieusard et 56,5 % des trajets parisiens sont le fait de liaisons avec la banlieue ». Dans la configuration actuelle, rien n’oblige le maire de Paris à tourner casaque pour remporter les prochaines élections.
Les auteurs suggèrent – nous dit Béatrice Jérome – que les mesures destinées à endiguer les voitures risquent de freiner l’activité économique. Il faudrait le démontrer. Est-ce même une information essentielle pour la population parisienne décrite un peu plus haut ? La politique de restriction de l’offre automobile dans Paris provoque en outre l’augmentation des prix des places de parkings, et plus largement participe à celle des prix de l’immobilier : de cela les résidents – propriétaires ne peuvent que se réjouir, même si les familles avec enfants et les ménages les moins aisés ont massivement quitté Paris.
L’article de Béatrice Jérome termine sur le mouvement d’humeur de M. Baupin (adjoint Verts à la mairie de Paris). Le procès d’intention manque d’intérêt. Car la question posée est celle de l’encombrement des axes de communication d’Ile-de-France : on en revient alors au problème des densités en banlieue parisienne. En attendant, les autobus font la joie des casseurs, et Bombardier chipe un marché public Alstom, entreprise récemment renflouée par l’argent du contribuable.

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