jeudi 24 juin 2010

Ne pas confondre baleines et “c’est assez” (petites nouvelles antarctiques)

Il est des perles pures que l’on n’a pas besoin de polir. Elles éclatent naturellement :

« La Nouvelle-Zélande a demandé vendredi au Japon de remorquer un de ses baleiniers qui a pris feu au large de l'Antarctique, disant craindre une marée noire. Un membre de l'équipage du Nisshin Maru est toujours porté disparu, au lendemain de l'incendie qui s'est déclaré sur le pont inférieur du navire, membre d'une flotte japonaise qui doit pêcher quelque 850 baleines d'ici le mois de mars. Bien que le sinistre soit maîtrisé, les autorités néo-zélandaises craignent que les 1,3 million de litres de carburant présents dans les cales du baleinier se déversent dans les mers australes. "Il est impératif que le Nisshin Maru soit remorqué à l'écart des côtes protégées de l'Antarctique, des colonies de pingouins et de la banquise", a déclaré le ministre néo-zélandais de l'Environnement, Chris Carter. Selon lui, la solution la plus rapide serait de faire appel au bateau de l'organisation écologique Greenpeace, l'Esperanza, qui se trouve dans la zone pour protester contre la chasse aux baleines. Un brise-glace américain pourrait également être disponible. Le Nisshin Maru ne semble pas pouvoir être réparé. C'est "un bateau mort", a indiqué Chris Carter, précisant que la Nouvelle-Zélande avait contacté le gouvernement japonais et qu'il s'était entretenu avec l'ambassadeur nippon. Les causes de l'incendie n'ont pas été identifiées, mais les organisations écologistes qui mènent une campagne de harcèlement des navires japonais en mers australes ont été mises hors de cause. » (Dépêche de l’AFP reprise par le Monde du 16 février 2007)…

Ainsi, le gouvernement d’Auckland demande à son homologue de Tokyo, au bas mot à 12.000 kilomètres du sinistre, de dépêcher des secours, alors que la Nouvelle-Zélande est six fois plus proche. Mais le terme de secours ne convient pas. Car en Nouvelle-Zélande, l’inquiétude ne porte pas – nous dit la dépêche de l’AFP – sur le péril encouru par les marins. Non, un paramètre échappe au néophyte, qui concerne le risque de marée noire sur les côtes de l’Antarctique. Ne sont-elles pas internationales ces terres antarctiques, et non possessions des nations de l’hémisphère sud (néo-zélandaises, australiennes, sud-africaines ou argentines) ? A ce titre, l’humanité entière devrait s’inquiéter, et non pas seulement quelques uns de ses représentants à l’avant-garde de la pensée.

Mais quelle est l’ampleur de la pollution ? Quelle quantité de pétrole s’est répandu dans les eaux internationales du Pacifique Sud (ou de l’Océan Indien) ? « Bien que le sinistre soit maîtrisé, les autorités néo-zélandaises craignent que les 1,3 million de litres de carburant présents dans les cales du baleinier se déversent dans les mers australes. » Le baleinier devait donc connaître depuis longtemps des problèmes pour naviguer – dans cette région australe, quel drame ! – si les 13 millions de décilitres (c’est-à-dire 130 millions de centilitres ou 1,3 milliard de millilitres) se trouvaient en cale, et non dans les réservoirs de l’embarcation : la marée noire, si noire ; dans l’Antarctique, si blanc.

Pour mémoire, l’Erika a sombré en relâchant 19 000 tonnes de fuel lourd : 14,6 fois plus, sans même insister sur la différence des produits, et sur le fait que le continent antarctique s’étend sur près d’un dixième des terres émergées de la planète. L’essence raffinée va immédiatement se dissoudre, au contraire du produit de l’Erika. Pêcheurs et maraîchers de l’Atlantique en savent quelque chose. Mais Greenpeace veille au pire, et je prends le risque de subir d’une part les attaques des défenseurs de l’environnement et des baleines. Je ne me réjouis ni de voir le carburant déversé, ni de la mort d’un (ou de 850) cétacé(s), mais je constate que rien ne peut empêcher un bateau d’agir à sa guise dans des eaux internationales. Je note en revanche qu’une ONG qui défend aussi ouvertement les intérêts d’un pays – en l’occurrence la Nouvelle-Zélande – perd à mes yeux la caution (morale) de son sigle (NG). Cela n’engage que moi.

Quant à la tonalité inhumaine de la dépêche, je frémis surtout aux non-dits : ira-t-on jusqu’à se réjouir du sinistre, de ce pêcheur englouti (et les autres) à des milliers de kilomètres de son archipel natal ? Tout cela à cause des baleines ? Croient-ils, les enragés, que l’on pêche par plaisir dans cette région du monde ?

J’ose le dire, voilà ce que probablement on aurait pu lire dans les journaux il y a quelques décennies : « un baleinier – le Nisshin Maru – se trouve en difficulté au large de l’Antarctique à la suite d’un feu déclenché sur le pont inférieur du navire. Un membre de l'équipage est toujours porté disparu. Le bateau se trouve dans les Quarantièmes Rugissants, à des centaines de kilomètres des premières terres habitées (les côtes septentrionales de l’Antarctiques se trouvent à deux mille cinq cents kilomètres au sud des rivages méridionaux de la Tasmanie et de l’île sud de la Nouvelle-Zélande. Un brise-glace américain pourrait venir à sa rescousse. »

PS./ Les négociations sur la pêche aux cétacés reprennent tout juste (ici) ; Sur l'Antarctique, on pouvait également apprendre ceci... (autre dépêche du jour AFP / Le Monde) : " Les mesures satellitaires ont révélé un réseau de lacs sous la calotte antarctique, plus vaste et dynamique que prévu, qui pourrait jouer un rôle-clé dans le rythme et le volume des déversements de glace dans l'océan, selon une étude publiée jeudi. Cette recherche montre pour la première fois que les eaux se trouvant sous les glaces de l'Antarctique sont stockées dans des réservoirs reliés entre eux dont elles peuvent sortir ou entrer rapidement, expliquent des glaciologues dont les travaux paraissent dans la revue Science datée du 15 février.Ces mouvements pourraient peut-être jouer un rôle majeur pour déterminer le rythme auquel les glaces antarctiques se détachent du continent, souligne Helen Fricker, glaciologue à Scripps Oceanography.'Nous ne nous rendions pas compte que l'eau sous les glaces antarctiques se déplaçait en d'aussi grands volumes et aussi rapidement', ajoute-t-elle. 'Nous pensions que ces changements se produisaient sur plusieurs années ou décennies mais ces observations satellitaires indiquent qu'ils se font sur quelques mois', précise-t-elle. Depuis que le satellite de la Nasa a commencé ses mesures en 2003, les chercheurs ont observé qu'un lac de 10 km sur 30 km sous les glaces antarctiques avait déversé 2.000 milliards de litres d'eau (2 km3) dans l'océan sous le glacier flottant de Ross, le plus grand de l'Antarctique d'une superficie égale à celle de la France. Un autre lac proche du premier a déversé 1.200 milliards de litres d'eau (1,2 km3) dans l'océan."

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