« Le Mexique est devenu numéro un mondial pour les transferts de devises des émigrés vers leur pays d'origine, dépassant la Chine. Mais pour les experts, ce ‘record’ reflète surtout l'incapacité de l'économie mexicaine à créer des emplois en nombre et en qualité suffisants pour retenir les forces vives qui partent travailler à l'étranger, dans leur grande majorité aux Etats-Unis. Fin janvier, la Banque centrale du Mexique a annoncé que les transferts de devises, les ‘remesas’, ont atteint 23,54 milliards de dollars (18,16 milliards d'euros) en 2006, en augmentation de 15 % par rapport à 2005. Ils sont aujourd'hui la deuxième ressource du pays, derrière les revenus pétroliers, qui ont rapporté 34,74 milliards de dollars en 2006, mais loin devant les investissements directs étrangers (un peu moins de 17 milliards de dollars). […] La Banque centrale mexicaine a admis que le phénomène migratoire était sans doute "beaucoup plus important" que ce que l'on croyait, comme l'indiquent les résultats du dernier recensement : la population a cessé de croître dans plusieurs Etats, alors que la natalité est restée stable. […] Selon l'enquête réalisée à la fin de l'été 2006 par le Fomin, ceux qui ont choisi l'émigration gagnaient en moyenne 150 dollars par mois au Mexique, et en obtiennent 900 aux Etats-Unis - d'où proviennent 97 % des ‘remesas’, envoyées par quelque 8 millions de Mexicains (sur les 12 millions vivant à l'étranger). Plus de 4 millions de familles bénéficient de cette manne, utilisée à 57 % pour des besoins de première nécessité : alimentation, vêtements, santé, logement. »
Que disent les interlocuteurs de Joëlle Stolz ? Un économiste s’inquiète : l’économie mexicaine décrocherait par rapport aux économies du nord. Les chiffres ne lui donnent pas tort, car en 1970, le PIB par hab. du Mexique était de 710 $ contre 1.100 pour l’Espagne [ils sont montés en 2005 respectivement à 7.390 et 26.163 $]. Il compare l’effet et le montant des transferts – venus de l’UE pour l’un et des autres membres de l’Alena pour l’autre – et s’attriste des mauvaises performances mexicaines…
Pourtant, « En 2006, le Mexique a vu son produit intérieur brut (PIB) croître de 4,8 %, la meilleure performance depuis six ans, grâce aux recettes pétrolières. » Les mêmes interlocuteurs prévoient la continuité de l’émigration « vers la terre promise », car « le Mexique, à la différence de l'Espagne, n'a pas réussi à redistribuer équitablement les revenus, les inégalités ne cessant de s'accentuer. La masse salariale y représente le tiers du PIB : moitié moins que dans un pays développé. »
Et si le cadre d’interprétation n’était pas le bon ? Ne sous-estime-t-on pas tout simplement la vitalité de l’économie mexicaine faute de faire tomber cette fameuse frontière entre les deux Etats, (la carte ne fixe pas l’espace, elle le représente) ? J’aurai l’occasion d’insister bientôt sur le caractère naturel (et non religieux, comme le sous-entendrait l’expression de terre promise) de l’émigration mexicaine dans le sud-ouest des Etats-Unis ; cela ne diminue en rien le mérite de celui qui prend le risque du voyage illégal à travers la frontière. Mais je note en tout cas la difficulté de ramener à leur juste mesure des barrières nationales, quitte à butter sur l’incongruité de la situation mexicaine ; pourquoi ne pas envisager que les mauvais chiffres de l’économie mexicaine ne reflètent qu’une partie quantifiable, à l’image de la partie émergée de l’iceberg ?
Qu’obtient-on si l’on ajoute au PIB mexicain les PIB des Etats frontaliers (Californie, Nevada, Nouveau-Mexique, Texas) – par pur calcul : je ne nie nullement toutes les différences existantes de part et d’autre – ? On obtient un ensemble qui se placerait potentiellement dans le classement non pas des vingt, mais des dix plus grandes puissances économiques de la planète. Les Mexicains forment au fond le peuple le plus sage qui soit : bien peu parmi eux ne réclament sérieusement aux Etats-Unis la rétrocession des territoires extorqués à l’issue de la guerre de 1848. Ils bénéficient en retour des avantages de la prospérité (remesas et exode des plus pauvres) en étant assuré qu’une partie du Mexique (virtuel) n’est pas géré par l’Etat mexicain, mais par l’Etat le plus puissant de la planète !
Car la première partie de l’article de Joëlle Stolz ne laisse aucune illusion sur la réalité de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, à travers laquelle passe chaque année une vingtaine de milliards de dollars. A l’heure où les autorités de Washington projettent la construction d’un mur, le courant s’amplifie : migratoire, économique, mais aussi criminel (Traffic de Soderbergh). Chacun attend(ait) l’américanisation du Mexique – et au-delà – et bien peu observent la mexicanisation du sud-ouest américain. Mais je tombe dans une vision bien optimiste, car les lobbies ne manquent pas à Washington pour attirer régulièrement l’attention des autorités sur ce qu’ils présentent comme un cancer (linguistique), un danger (économique) et une menace physique. Racistes et/ou nationalistes pensent à un endiguement. Au mieux font-ils référence à la chute de l’empire romain. Mais en assimilant les Barbares de l’Antiquité aux immigrants latinos de l’époque actuelle [voir Courrier International sur Los Angeles], combien réalisent que l’empire romain a périclité du fait de ses divisions et de ses incohérences plutôt que succombé devant des assauts ennemis ? Les historiens nous disent de toutes façons que ces Barbares étaient très largement latinisés !
PS./ Dernier papier sur le Mexique : Ne pas confondre panade et tortilla.
Que disent les interlocuteurs de Joëlle Stolz ? Un économiste s’inquiète : l’économie mexicaine décrocherait par rapport aux économies du nord. Les chiffres ne lui donnent pas tort, car en 1970, le PIB par hab. du Mexique était de 710 $ contre 1.100 pour l’Espagne [ils sont montés en 2005 respectivement à 7.390 et 26.163 $]. Il compare l’effet et le montant des transferts – venus de l’UE pour l’un et des autres membres de l’Alena pour l’autre – et s’attriste des mauvaises performances mexicaines…
Pourtant, « En 2006, le Mexique a vu son produit intérieur brut (PIB) croître de 4,8 %, la meilleure performance depuis six ans, grâce aux recettes pétrolières. » Les mêmes interlocuteurs prévoient la continuité de l’émigration « vers la terre promise », car « le Mexique, à la différence de l'Espagne, n'a pas réussi à redistribuer équitablement les revenus, les inégalités ne cessant de s'accentuer. La masse salariale y représente le tiers du PIB : moitié moins que dans un pays développé. »
Et si le cadre d’interprétation n’était pas le bon ? Ne sous-estime-t-on pas tout simplement la vitalité de l’économie mexicaine faute de faire tomber cette fameuse frontière entre les deux Etats, (la carte ne fixe pas l’espace, elle le représente) ? J’aurai l’occasion d’insister bientôt sur le caractère naturel (et non religieux, comme le sous-entendrait l’expression de terre promise) de l’émigration mexicaine dans le sud-ouest des Etats-Unis ; cela ne diminue en rien le mérite de celui qui prend le risque du voyage illégal à travers la frontière. Mais je note en tout cas la difficulté de ramener à leur juste mesure des barrières nationales, quitte à butter sur l’incongruité de la situation mexicaine ; pourquoi ne pas envisager que les mauvais chiffres de l’économie mexicaine ne reflètent qu’une partie quantifiable, à l’image de la partie émergée de l’iceberg ?
Qu’obtient-on si l’on ajoute au PIB mexicain les PIB des Etats frontaliers (Californie, Nevada, Nouveau-Mexique, Texas) – par pur calcul : je ne nie nullement toutes les différences existantes de part et d’autre – ? On obtient un ensemble qui se placerait potentiellement dans le classement non pas des vingt, mais des dix plus grandes puissances économiques de la planète. Les Mexicains forment au fond le peuple le plus sage qui soit : bien peu parmi eux ne réclament sérieusement aux Etats-Unis la rétrocession des territoires extorqués à l’issue de la guerre de 1848. Ils bénéficient en retour des avantages de la prospérité (remesas et exode des plus pauvres) en étant assuré qu’une partie du Mexique (virtuel) n’est pas géré par l’Etat mexicain, mais par l’Etat le plus puissant de la planète !
Car la première partie de l’article de Joëlle Stolz ne laisse aucune illusion sur la réalité de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, à travers laquelle passe chaque année une vingtaine de milliards de dollars. A l’heure où les autorités de Washington projettent la construction d’un mur, le courant s’amplifie : migratoire, économique, mais aussi criminel (Traffic de Soderbergh). Chacun attend(ait) l’américanisation du Mexique – et au-delà – et bien peu observent la mexicanisation du sud-ouest américain. Mais je tombe dans une vision bien optimiste, car les lobbies ne manquent pas à Washington pour attirer régulièrement l’attention des autorités sur ce qu’ils présentent comme un cancer (linguistique), un danger (économique) et une menace physique. Racistes et/ou nationalistes pensent à un endiguement. Au mieux font-ils référence à la chute de l’empire romain. Mais en assimilant les Barbares de l’Antiquité aux immigrants latinos de l’époque actuelle [voir Courrier International sur Los Angeles], combien réalisent que l’empire romain a périclité du fait de ses divisions et de ses incohérences plutôt que succombé devant des assauts ennemis ? Les historiens nous disent de toutes façons que ces Barbares étaient très largement latinisés !
PS./ Dernier papier sur le Mexique : Ne pas confondre panade et tortilla.
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