Sur l'utilisation de la voiture et le recours grandissant aux transports en commun en France, un article du Monde donne cette semaine un nouvel éclairage. Mais avant d'en détailler les principales lignes directrices, un rappel s'impose. Car la population française consommatrice de transports change d'une décennie à l'autre, moins à cause d'une augmentation brute [56,3 millions d'habitants en 1990 contre 63,4 millions aujourd'hui (estimations INSEE au 1er janvier 2007)] que par modification de sa structure par âges.
Jusqu'à maintenant, le nombre d'adultes (entre 20 et 59 ans) dans la population française a progressé d'une année à l'autre. Les Français âgés de 20 à 59 ans sont plus nombreux en 2006 qu'en 2005 (33,2 contre 33,01 millions). Cette situation est en passe de se modifier. Car si l'on regarde du côté des moins de 20 ans, leur augmentation n'est que de 120.000 entre 1997 et 2006 [répartie entre garçons (de 7,7 à 7,75 millions) et filles (de 7,355 à 7,416 millions)]. Au cours de la même période, l'effectif des plus de 60 ans s'accroît d'1.000.000, c'est-à-dire huit fois plus : de 4,96 à 5,48 millions d'hommes, et de 6,87 à 7,32 millions de femmes. [Ined] En proportion, 54,5 % des Français rentre dans la catégorie des 20 à 59 ans en 2006 contre 53 % en 1997.
La pyramide des âges de la population française [Ined] annonce un inversement de la tendance précédente dans un futur proche, par la sortie des baby-boomers et l'entrée dans la catégorie étudiée des classes d'âges à effectifs plus réduits ; les moins de 20 ans ne représentent plus que 25 % de la population totale, c'est-à-dire un point de moins qu'en 1997 (26 %). Au-delà de 2015, la reprise modeste de la natalité observée dans la deuxième moitié de la décennie 1990 laisse toutefois espérer une stabilisation du phénomène.
Si le nombre d'actifs diminue, le nombre de déplacements professionnels risque de suivre la même courbe, sauf si l'on observe une forte modification de l'équilibre entre catégories socio-professionnelles, avec effondrement des métiers sédentaires (professions libérales, fonctionnaires) et gonflement des métiers les plus mobiles. On peut également supposer une évolution dans la définition même de la mobilité. Un cadre supérieur d'une grande entreprise des années 2000 voyage ainsi davantage à l'étranger que son prédécesseur, vingt ans plus tôt ; mondialisation oblige. Le déplacement reste vrai, mais nécessite l'avion davantage que la voiture. Une minorité d'actifs se trouve cependant concerné par ce phénomène. Et puisque l'on recherche comme but ultime la baisse de la pollution, le gain environnemental est négatif. Peut-être faut-il évoquer en outre ceux qui travaillent chez eux. Leur nombre tendrait à augmenter, mais ils restent marginaux (moins d'1 % des actifs / sources).
A côté de l'évolution des actifs, il faut surtout s'interroger sur les conséquences d'un encombrement persistant (grandissant ?) des grandes agglomérations à l'heure des migrations pendulaires. Compte tenu des heures perdues sur les périphériques, et les échangeurs quotidiennement bouchés, un certain nombre d'automobilistes ont manifestement délaissé leur volant au profit de véhicules plus légers, à deux-roues. Les ventes témoignent d'un net engouement : + 17 % entre 2005 et 2006 [sources]. Les esprits chagrins le déplorent toutefois, parce qu'il y a un risque plus important d'accident avec un deux-roues qu'avec une voiture, mais aussi – de façon plus accessoire – à cause des émissions de gaz d'échappement.
Dominique Buffier compte cependant pour rien les réponses individuelles à un problème collectif. Il s'en tient à un idée simple : « Au vu du dernier bilan chiffré publié par le ministère des transports, certains experts n'hésitent pas à proclamer 'la fin de l'automobiliste roi' et l'ouverture d' 'une nouvelle ère' en France. La voiture individuelle assure encore 83 % des déplacements dans l'Hexagone mais, pour la première fois depuis 1974, année du premier choc pétrolier, l'utilisation par les Français de leur automobile a baissé en 2005 (- 1,4 % par rapport à 2004). » Il décrit un peu plus loin la montée en puissance des transports en commun qui culmine donc à un sommet : une proportion de 17 % (du total des déplacements)... Qu'à cela ne tienne, les transports en commun attireraient une nouvelle clientèle sensible à l'amélioration des prestations proposées, ainsi qu'au renchérissement du carburant. En insistant sur ce dernier aspect, le journaliste laisse néanmoins entendre que le goût pour les transports en commun dépend de facteurs externes, non maîtrisés par les pouvoirs publics, et susceptibles de se démentir. Les enquêtes citées n'apportent en outre aucun élément tangible : on peut tout-à-fait juger que les transports en commun respectent davantage l'environnement, et continuer d'utiliser sa voiture ! Les élus appelés à la rescousse abondent dans le même sens ? Mais les grands travaux leur offrent l'occasion de dépenser de façon visible les deniers du contribuable. Les grands travaux plaisent. Ils gênent davantage les habitants des coeurs d'agglomérations - très minoritaires - que les habitants des quartiers péricentraux ou suburbains – ceux-là même qui en bénéficient (facilité de déplacement & valorisation des prix du m²), tout en souffrant moins directement des chantiers.
« Publiques ou privées, les entreprises de transport en commun connaissent toutes une forte croissance depuis plusieurs années. Dans ses résultats de 2006, la SNCF relève que, pour la première fois, les trains express régionaux (TER) ont atteint des niveaux de fréquentation aussi élevés que les TGV. Les grands acteurs privés, parmi lesquels Veolia Transport, Keolis ou Transdev, renforcent eux aussi leurs positions. 'Entre 2000 et 2006, nous avons enregistré une progression de 18 % du trafic', indique Eric Chareyron, directeur marketing de Keolis, premier groupe de transport privé en France. » Mais rien n'empêche l'utilisateur d'une rame TER d'accéder en voiture à la gare la plus proche de son domicile. En un mot, la demande de transports ne fait que suivre l'offre de transports ; et non l'inverse. A Rennes – autre exemple cité – la croissance du nombre de voyages en métro (de 33 millions en 2002 à 60 millions en 2006) ne signifie pas que l'on ait abandonné l'automobile...
Vient ensuite le moment de remercier des autorités méritantes : « Le transport en commun représente aujourd'hui un tiers des dépenses des intercommunalités et environ un quart de celles des régions. Dans leur ensemble, les agglomérations ont investi, en 2005, près de 2,4 milliards d'euros pour leurs transports urbains. En 1994, cet engagement n'était que de 700 millions d'euros. L'Etat ne participe plus à aux investissements de réalisation des infrastructures des transports en commun en site propre (TCSP). » Dominique Buffier se réjouit en conclusion de cette vogue pour les transports en commun, à la veille d'une grande conférence sur les questions environnementales (Grenelle de l'environnement). Il met malheureusement au même niveau des politiques coûteuses, électoralistes et la plupart du temps mal évaluées, avec l'action plus discrète d'entreprises privées ; l'une d'entre elle est tout de même nommée, qui projette de mettre en place des centres téléphoniques destinés à faciliter le covoiturage à partir d'un taxi. Dominique Buffier aurait aussi bien pu décrire le développement des courses livrées à domicile grâce à des camions affrêtés par des grandes enseignes de la distribution, et qui dispense un nombre grandissant de citadins - surtout dans des grandes agglomérations - d'utiliser leur voiture personnelle.
Contrairement à l'idée reçue, le bien public peut résulter de l'action privée, sans coûter un sou au contribuable. A l'heure où les instances européennes prient le gouvernement français de réduire les dépenses publiques, ne faut-il y craindre que le Grenelle de l'environnement ne ressemble à un festival des grands travaux subventionnés ?
Jusqu'à maintenant, le nombre d'adultes (entre 20 et 59 ans) dans la population française a progressé d'une année à l'autre. Les Français âgés de 20 à 59 ans sont plus nombreux en 2006 qu'en 2005 (33,2 contre 33,01 millions). Cette situation est en passe de se modifier. Car si l'on regarde du côté des moins de 20 ans, leur augmentation n'est que de 120.000 entre 1997 et 2006 [répartie entre garçons (de 7,7 à 7,75 millions) et filles (de 7,355 à 7,416 millions)]. Au cours de la même période, l'effectif des plus de 60 ans s'accroît d'1.000.000, c'est-à-dire huit fois plus : de 4,96 à 5,48 millions d'hommes, et de 6,87 à 7,32 millions de femmes. [Ined] En proportion, 54,5 % des Français rentre dans la catégorie des 20 à 59 ans en 2006 contre 53 % en 1997.
La pyramide des âges de la population française [Ined] annonce un inversement de la tendance précédente dans un futur proche, par la sortie des baby-boomers et l'entrée dans la catégorie étudiée des classes d'âges à effectifs plus réduits ; les moins de 20 ans ne représentent plus que 25 % de la population totale, c'est-à-dire un point de moins qu'en 1997 (26 %). Au-delà de 2015, la reprise modeste de la natalité observée dans la deuxième moitié de la décennie 1990 laisse toutefois espérer une stabilisation du phénomène.
Si le nombre d'actifs diminue, le nombre de déplacements professionnels risque de suivre la même courbe, sauf si l'on observe une forte modification de l'équilibre entre catégories socio-professionnelles, avec effondrement des métiers sédentaires (professions libérales, fonctionnaires) et gonflement des métiers les plus mobiles. On peut également supposer une évolution dans la définition même de la mobilité. Un cadre supérieur d'une grande entreprise des années 2000 voyage ainsi davantage à l'étranger que son prédécesseur, vingt ans plus tôt ; mondialisation oblige. Le déplacement reste vrai, mais nécessite l'avion davantage que la voiture. Une minorité d'actifs se trouve cependant concerné par ce phénomène. Et puisque l'on recherche comme but ultime la baisse de la pollution, le gain environnemental est négatif. Peut-être faut-il évoquer en outre ceux qui travaillent chez eux. Leur nombre tendrait à augmenter, mais ils restent marginaux (moins d'1 % des actifs / sources).
A côté de l'évolution des actifs, il faut surtout s'interroger sur les conséquences d'un encombrement persistant (grandissant ?) des grandes agglomérations à l'heure des migrations pendulaires. Compte tenu des heures perdues sur les périphériques, et les échangeurs quotidiennement bouchés, un certain nombre d'automobilistes ont manifestement délaissé leur volant au profit de véhicules plus légers, à deux-roues. Les ventes témoignent d'un net engouement : + 17 % entre 2005 et 2006 [sources]. Les esprits chagrins le déplorent toutefois, parce qu'il y a un risque plus important d'accident avec un deux-roues qu'avec une voiture, mais aussi – de façon plus accessoire – à cause des émissions de gaz d'échappement.
Dominique Buffier compte cependant pour rien les réponses individuelles à un problème collectif. Il s'en tient à un idée simple : « Au vu du dernier bilan chiffré publié par le ministère des transports, certains experts n'hésitent pas à proclamer 'la fin de l'automobiliste roi' et l'ouverture d' 'une nouvelle ère' en France. La voiture individuelle assure encore 83 % des déplacements dans l'Hexagone mais, pour la première fois depuis 1974, année du premier choc pétrolier, l'utilisation par les Français de leur automobile a baissé en 2005 (- 1,4 % par rapport à 2004). » Il décrit un peu plus loin la montée en puissance des transports en commun qui culmine donc à un sommet : une proportion de 17 % (du total des déplacements)... Qu'à cela ne tienne, les transports en commun attireraient une nouvelle clientèle sensible à l'amélioration des prestations proposées, ainsi qu'au renchérissement du carburant. En insistant sur ce dernier aspect, le journaliste laisse néanmoins entendre que le goût pour les transports en commun dépend de facteurs externes, non maîtrisés par les pouvoirs publics, et susceptibles de se démentir. Les enquêtes citées n'apportent en outre aucun élément tangible : on peut tout-à-fait juger que les transports en commun respectent davantage l'environnement, et continuer d'utiliser sa voiture ! Les élus appelés à la rescousse abondent dans le même sens ? Mais les grands travaux leur offrent l'occasion de dépenser de façon visible les deniers du contribuable. Les grands travaux plaisent. Ils gênent davantage les habitants des coeurs d'agglomérations - très minoritaires - que les habitants des quartiers péricentraux ou suburbains – ceux-là même qui en bénéficient (facilité de déplacement & valorisation des prix du m²), tout en souffrant moins directement des chantiers.
« Publiques ou privées, les entreprises de transport en commun connaissent toutes une forte croissance depuis plusieurs années. Dans ses résultats de 2006, la SNCF relève que, pour la première fois, les trains express régionaux (TER) ont atteint des niveaux de fréquentation aussi élevés que les TGV. Les grands acteurs privés, parmi lesquels Veolia Transport, Keolis ou Transdev, renforcent eux aussi leurs positions. 'Entre 2000 et 2006, nous avons enregistré une progression de 18 % du trafic', indique Eric Chareyron, directeur marketing de Keolis, premier groupe de transport privé en France. » Mais rien n'empêche l'utilisateur d'une rame TER d'accéder en voiture à la gare la plus proche de son domicile. En un mot, la demande de transports ne fait que suivre l'offre de transports ; et non l'inverse. A Rennes – autre exemple cité – la croissance du nombre de voyages en métro (de 33 millions en 2002 à 60 millions en 2006) ne signifie pas que l'on ait abandonné l'automobile...
Vient ensuite le moment de remercier des autorités méritantes : « Le transport en commun représente aujourd'hui un tiers des dépenses des intercommunalités et environ un quart de celles des régions. Dans leur ensemble, les agglomérations ont investi, en 2005, près de 2,4 milliards d'euros pour leurs transports urbains. En 1994, cet engagement n'était que de 700 millions d'euros. L'Etat ne participe plus à aux investissements de réalisation des infrastructures des transports en commun en site propre (TCSP). » Dominique Buffier se réjouit en conclusion de cette vogue pour les transports en commun, à la veille d'une grande conférence sur les questions environnementales (Grenelle de l'environnement). Il met malheureusement au même niveau des politiques coûteuses, électoralistes et la plupart du temps mal évaluées, avec l'action plus discrète d'entreprises privées ; l'une d'entre elle est tout de même nommée, qui projette de mettre en place des centres téléphoniques destinés à faciliter le covoiturage à partir d'un taxi. Dominique Buffier aurait aussi bien pu décrire le développement des courses livrées à domicile grâce à des camions affrêtés par des grandes enseignes de la distribution, et qui dispense un nombre grandissant de citadins - surtout dans des grandes agglomérations - d'utiliser leur voiture personnelle.
Contrairement à l'idée reçue, le bien public peut résulter de l'action privée, sans coûter un sou au contribuable. A l'heure où les instances européennes prient le gouvernement français de réduire les dépenses publiques, ne faut-il y craindre que le Grenelle de l'environnement ne ressemble à un festival des grands travaux subventionnés ?
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