Descendants des Hongrois ayant refusé de quitter leur terre natale, ou des rescapés de la Seconde Guerre mondiale, ils représentent aujourd'hui 10 % de la population slovaque (520.000 personnes en 2001). Les magyarophones de Slovaquie (cette dénomination neutre permet d'éviter toute confusion avec les Hongrois de Hongrie) sont essentiellement ruraux et vivent dans un périmètre qui jouxte la frontière avec la Hongrie. « Dans deux des huit régions slovaques, ils atteignent plus de 20 % : Nitra (27,6 %) et Trnava (23,7 %). » [source] « Aux termes du traité de Trianon (juin 1920), plus de 60.000 km² ont été détachés du territoire de l'ex – royaume de Hongrie et annexés à la Tchécoslovaquie, avec 3,5 millions d'habitants, dont plus du quart étaient Hongrois. Près de 80.000 Hongrois quittèrent ce territoire jusqu'en 1924 pour s'établir en Hongrie. » [source] Encore convient-il de rappeler que 110.000 Slovaques vivent à l'inverse en Hongrie [chiffres Sénat].
Cette communauté fait l'objet de toutes les attentions, et même au-delà [ici]. Non content d'effectuer un bref séjour en Slovaquie du Sud sans rencontrer son homologue slovaque, le président hongrois Laszlo Solyom s'est fendu d'un commentaire saugrenu, « en expliquant qu'il ne visitait pas le sud de la Slovaquie mais le nord de la Hongrie. » [source] Comment en est-on arrivé là ? L'espace Schengen – en levant l'obstacle des frontières – suscite d'un côté l'espoir d'une réinstallation pour certains Hongrois de Hongrie (à défaut de réparation), pour d'autres l'angoisse d'un envahissement de la Slovaquie méridionale bien hypothétique compte tenu de la localisation des magyarophones [il s'agirait d'un retour à la terre bien original en Europe...].
On peut bien sûr recommander aux Hongrois et aux Slovaques qu'ils s'inspirent de l'acte de réconciliation entre Tchèques et Allemands de 1997, qui a fixé les modalités pour un dédommagement des victimes du nazisme et un financement de mouvements de jeunesse bi-nationaux. « L'histoire ne doit pas peser sur le présent ni sur l'avenir, quelle que soit la valeur qu'on lui accorde. » [Lubos Palata]. En République tchéque, les Sudètes ont depuis cessé d'apparaître comme une pierre d'achoppement, et pourraient sceller le rapprochement des populations de part et d'autres de la frontière. [voir ici]. Malheureusement, dans le cas de la Hongrie et de la Slovaquie, beaucoup s'estiment victimes et non bourreaux. Et les sujets de fâcheries abondent, en dehors de la question des minorités, comme la gestion du fleuve – frontière et le barrage de Gabcikovo. Concernant le respect des minorités depuis la dislocation du bloc de l'Est, les instances européennes concernées ont clairement dénoncé la politique linguistique menée en Slovaquie : « Jusqu'en 1996 la minorité hongroise avait le droit d'utiliser sa langue maternelle dans lécoles et dans l'administration lorsque dans les communes sa présence minoritaire dépassait les 20 % de la population. La nouvelle loi, qui est entré en vigueur en janvier 1996, rend l'usage de la langue slovaque obligatoire pour toute démarche officielle écrite ou orale et restreint l'usage des langues minoritaires dans des buts officiels. » Mais à quoi servirait-il d'établir une liste des torts tous plus ou moins partagés ?
La rédaction de Courrier International consacre une page dans son dernier numéro (n°884 / Du 11 au 17 octobre 2007 / P.23) aux ultimes rebondissements de l'histoire récente et tourmentée des relations diplomatiques entre Budapest et Bratislava. Deux articles se partagent la page, un pour un journaliste de chaque pays (Zöldi, du Magyar Hirlap et Morvay du Sme de Bratislava). Sur un ton modéré, ils s'accordent pour dénoncer la démagogie et l'absence de vue à long terme des responsables politiques des deux pays : « les véritables écueils dans les relations entre la Slovaquie et la Hongrie sont nos deux Premiers ministres », constate Zöldi. Son alter ego à Bratislava trouve même des excuses au Hongrois en déplacement dans le sud de la Slovaquie : « il est compréhensible qu'il n'ait pas grande envie de rencontrer son homologue slovaque après les funestes déclarations des parlementaires slovaques sur la pérennité des 'décrets Benes'. »
Bien entendu, l'un et l'autre formulent aussi des griefs qui ne corroborent pas entre eux. Mais je relèverai plutôt trois affirmations imprécises transformées en vérités intangibles. Elles se trouvent là sous la plume du Hongrois, mais je gage qu'un journaliste slovaque les adopterait sans s'en rendre compte. Evoquer à propos des conséquences de la fin de la Première Guerre mondiale « la partition de la Grande Hongrie » et « l'échange de populations » (je préfèrerais le mot de déplacement) qui en a résulté, suscite l'étonnement. En 1918, l'événement majeur dans la région a été essentiellement l'effondrement de l'Empire austro-hongrois, le tracé d'une nouvelle frontière entre de nouveaux Etats n'en constituant qu'un effet malheureux, mais depuis remis en cause par l'intégration européenne. L'organisation géographique et non politique du bassin danubien s'impose désormais, quoi qu'en disent les extrémistes des deux pays qui recourent aux slogans de pureté ethnique ou linguistique.
L'expression « mauvaises expériences historiques » bloque enfin toute mise en perspective qui relativiserait tel événement par rapport à tel autre. En Hongrie ou en Slovaquie, tout le monde souffre, donc personne ne reconnaît des erreurs ou une culpabilité éventuelles. Parler des mauvaises expériences historiques signifie que d'un commun accord, ce qu'ont vécu les peuples danubiens au XXème siècle devrait conduire les historiens à une auto – restriction : ne pas s'y pencher pour ne pas s'y perdre. Or l'argument de la douleur mortifère, loin d'apaiser, a conduit à la situation actuelle – me semble-t-il –c'est-à-dire à une sorte de paralysie. En outre, le contentieux demeure entier, toujours prêt à s'envenimer. Beneš empoisonne la vie des Hongrois et des Slovaques parce que l'on ne compte plus ses fielleux descendants.
Pendant ce temps, les deux populations s'urbanisent posant la question de l'avenir agricole des riches plaines danubiennes mises en valeur depuis des millénaires. Hongrois et Slovaques vieillissent [source] avec en moyenne 1,3 enfant par femme : en Slovaquie, natalité et mortalité s'annulent, tandis qu'en Hongrie le solde est négatif (10 enfants contre 13 décès pour 1000 habitants en 2007). A ce rythme, dans ce dernier pays, la population (actuellement 10,1 millions de Hongrois) passera à 9,6 en 2025 et à 8,9 en 2050. La Slovaquie se trouve également menacée : de 5,4 millions en 2007, la population diminuerait à 5,2 puis 4,7 millions en 2050.
PS./ Voir également Une Poignée de Noix Fraîches. Dernier article sur le Danuble : Un petit Suisse dans la mer Noire.
Cette communauté fait l'objet de toutes les attentions, et même au-delà [ici]. Non content d'effectuer un bref séjour en Slovaquie du Sud sans rencontrer son homologue slovaque, le président hongrois Laszlo Solyom s'est fendu d'un commentaire saugrenu, « en expliquant qu'il ne visitait pas le sud de la Slovaquie mais le nord de la Hongrie. » [source] Comment en est-on arrivé là ? L'espace Schengen – en levant l'obstacle des frontières – suscite d'un côté l'espoir d'une réinstallation pour certains Hongrois de Hongrie (à défaut de réparation), pour d'autres l'angoisse d'un envahissement de la Slovaquie méridionale bien hypothétique compte tenu de la localisation des magyarophones [il s'agirait d'un retour à la terre bien original en Europe...].
On peut bien sûr recommander aux Hongrois et aux Slovaques qu'ils s'inspirent de l'acte de réconciliation entre Tchèques et Allemands de 1997, qui a fixé les modalités pour un dédommagement des victimes du nazisme et un financement de mouvements de jeunesse bi-nationaux. « L'histoire ne doit pas peser sur le présent ni sur l'avenir, quelle que soit la valeur qu'on lui accorde. » [Lubos Palata]. En République tchéque, les Sudètes ont depuis cessé d'apparaître comme une pierre d'achoppement, et pourraient sceller le rapprochement des populations de part et d'autres de la frontière. [voir ici]. Malheureusement, dans le cas de la Hongrie et de la Slovaquie, beaucoup s'estiment victimes et non bourreaux. Et les sujets de fâcheries abondent, en dehors de la question des minorités, comme la gestion du fleuve – frontière et le barrage de Gabcikovo. Concernant le respect des minorités depuis la dislocation du bloc de l'Est, les instances européennes concernées ont clairement dénoncé la politique linguistique menée en Slovaquie : « Jusqu'en 1996 la minorité hongroise avait le droit d'utiliser sa langue maternelle dans lécoles et dans l'administration lorsque dans les communes sa présence minoritaire dépassait les 20 % de la population. La nouvelle loi, qui est entré en vigueur en janvier 1996, rend l'usage de la langue slovaque obligatoire pour toute démarche officielle écrite ou orale et restreint l'usage des langues minoritaires dans des buts officiels. » Mais à quoi servirait-il d'établir une liste des torts tous plus ou moins partagés ?
La rédaction de Courrier International consacre une page dans son dernier numéro (n°884 / Du 11 au 17 octobre 2007 / P.23) aux ultimes rebondissements de l'histoire récente et tourmentée des relations diplomatiques entre Budapest et Bratislava. Deux articles se partagent la page, un pour un journaliste de chaque pays (Zöldi, du Magyar Hirlap et Morvay du Sme de Bratislava). Sur un ton modéré, ils s'accordent pour dénoncer la démagogie et l'absence de vue à long terme des responsables politiques des deux pays : « les véritables écueils dans les relations entre la Slovaquie et la Hongrie sont nos deux Premiers ministres », constate Zöldi. Son alter ego à Bratislava trouve même des excuses au Hongrois en déplacement dans le sud de la Slovaquie : « il est compréhensible qu'il n'ait pas grande envie de rencontrer son homologue slovaque après les funestes déclarations des parlementaires slovaques sur la pérennité des 'décrets Benes'. »
Bien entendu, l'un et l'autre formulent aussi des griefs qui ne corroborent pas entre eux. Mais je relèverai plutôt trois affirmations imprécises transformées en vérités intangibles. Elles se trouvent là sous la plume du Hongrois, mais je gage qu'un journaliste slovaque les adopterait sans s'en rendre compte. Evoquer à propos des conséquences de la fin de la Première Guerre mondiale « la partition de la Grande Hongrie » et « l'échange de populations » (je préfèrerais le mot de déplacement) qui en a résulté, suscite l'étonnement. En 1918, l'événement majeur dans la région a été essentiellement l'effondrement de l'Empire austro-hongrois, le tracé d'une nouvelle frontière entre de nouveaux Etats n'en constituant qu'un effet malheureux, mais depuis remis en cause par l'intégration européenne. L'organisation géographique et non politique du bassin danubien s'impose désormais, quoi qu'en disent les extrémistes des deux pays qui recourent aux slogans de pureté ethnique ou linguistique.
L'expression « mauvaises expériences historiques » bloque enfin toute mise en perspective qui relativiserait tel événement par rapport à tel autre. En Hongrie ou en Slovaquie, tout le monde souffre, donc personne ne reconnaît des erreurs ou une culpabilité éventuelles. Parler des mauvaises expériences historiques signifie que d'un commun accord, ce qu'ont vécu les peuples danubiens au XXème siècle devrait conduire les historiens à une auto – restriction : ne pas s'y pencher pour ne pas s'y perdre. Or l'argument de la douleur mortifère, loin d'apaiser, a conduit à la situation actuelle – me semble-t-il –c'est-à-dire à une sorte de paralysie. En outre, le contentieux demeure entier, toujours prêt à s'envenimer. Beneš empoisonne la vie des Hongrois et des Slovaques parce que l'on ne compte plus ses fielleux descendants.
Pendant ce temps, les deux populations s'urbanisent posant la question de l'avenir agricole des riches plaines danubiennes mises en valeur depuis des millénaires. Hongrois et Slovaques vieillissent [source] avec en moyenne 1,3 enfant par femme : en Slovaquie, natalité et mortalité s'annulent, tandis qu'en Hongrie le solde est négatif (10 enfants contre 13 décès pour 1000 habitants en 2007). A ce rythme, dans ce dernier pays, la population (actuellement 10,1 millions de Hongrois) passera à 9,6 en 2025 et à 8,9 en 2050. La Slovaquie se trouve également menacée : de 5,4 millions en 2007, la population diminuerait à 5,2 puis 4,7 millions en 2050.
PS./ Voir également Une Poignée de Noix Fraîches. Dernier article sur le Danuble : Un petit Suisse dans la mer Noire.
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