jeudi 24 juin 2010

De l’eau à la révolution… (pavillons et facture d’eau)

L’eau n’est pas gratuite, et son prix augmente : voilà en un mot le message contenu dans un article du Monde du début de la semaine. Le journaliste ne signe pas (?), peut-être parce qu’il renvoie à un dossier de l’Institut Français de l’Environnement (Ifen) sur lequel je vais donc m’arrêter… L’accroche se veut percutante, avec le rappel des 165 litres d’eau consommés par jour et par habitant. Faute d’explications sur le calcul, on peut simplement supposer qu’il résulte du rapport entre le volume total d’eau potable produite et le nombre de Français. Cette première idée s’impose car elle permet de rappeler qu’une partie de cette eau n’arrive jamais à destination, à cause des pertes du réseau : de l’ordre d’un cinquième des volumes transportés. Et même si les agriculteurs et gros industriels ne rentrent pas dans la statistique, celle-ci ne fait aucune distinction entre particuliers et collectivités, ou PME.

L’écart sur lequel insiste au préalable le ou les auteur(s) est géographique. Pour une facture moyenne de 177 euros par personne en 2004, il fallait compter 270 € en PACA , alors qu’ « à l’autre bout de la hiérarchie, Francomtois et résidents du Nord – Pas-de-Calais, d’Auvergne et du Limousin acquittent de 140 à 150 € par personne en 2004. » D’où proviennent de telles différences ? « Le climat, le développement de l’habitat individuel, des piscines et jardins, les revenus des ménages ou l’âge des occupants, l’augmentation du nombre de ménages conditionnent les consommations d’eau. Le tourisme est un autre facteur explicatif des consommations par habitant calculées ici. »

On peut s’interroger sur les causes qui ne tiennent pas, isolément des autres. Le facteur climatique s’avère par exemple important pour comprendre les différences régionales dans les usages agricoles, à condition de ne pas oublier quand même que la céréaliculture s’est constamment renforcée dans le bassin parisien grâce à l’irrigation, tandis qu’elle se fait rare dans le quart sud-est de la France. Mais il reste à démontrer que le climat influe sur des habitudes domestiques : boit-on plus, a-t-on davantage de linge ou de vaisselle sale, prend-on plus de douches dans le Sud que dans le nord de la France ? Je doute que les statistiques existent en la matière. En revanche, il est évident qu’entre deux jardins, la quantité d’eau nécessaire pour l’arrosage change du tout au tout entre le Nord – Pas-de-Calais et la région Provence Côte d’Azur.

De la même façon, les revenus des ménages ne pèsent sur la consommation d’eau que parce que l’on a affaire à un modèle dominant : l’habitat pavillonnaire ; A moins de prouver qu’un riche préfère le bain et que le pauvre n’a que le choix de la douche ! Plus les ménages sont fortunés, plus les jardins sont grands (avec un arrosage à l’avenant) et plus on a de chance de trouver une piscine. La densité s’amenuise et le réseau d’adduction s’étend, renforçant les pertes en eau. La variation du nombre de ménages pourrait en outre ne pas avoir de conséquences, à population quasi constante. Mais pour les raisons évoquées précédemment, l’augmentation implique la construction de nouveaux logements, dont une bonne partie de pavillons entourés de verdure.

Tout concorde ; l’habitat pavillonnaire et l’étalement périurbain se conjuguent pour faire grimper la consommation d’eau domestique. N’écartons pas bien sûr parmi les causes notables l’activité touristique gaspilleuse. Il convient de garder à l’esprit quelques nuances. Les golfs ont de gros besoins en eau, et les hôtels accueillent des clients généralement peu regardants sur le tour de robinet. Mais il s’agit dans ces deux exemples d’activités clairement identifiables, qui ne peuvent complètement s’extraire d’une notion de coût. Un restaurant consomme beaucoup, mais il représente en même temps un acteur économique, par les maraîchers qui le fournissent, par les salariés qu’il emploie. Dans les régions dites touristiques, on retrouve en revanche la question des habitants venant à la belle saison résider dans leurs résidences secondaires. Pour peu qu’ils aient un grand jardin… Et une piscine, ils consomment plus d’eau que le touriste à l’hôtel, sans provoquer les mêmes retombées économiques.

Toutes les régions ne bénéficient pas de toutes façons de la même ressource hydrique. « La proximité de la ressource, sa qualité, ainsi que la densité de population à desservir sont autant de facteurs explicatifs des tarifs. Les eaux superficielles, plus faciles d’accès, mais aussi plus polluées que les eaux souterraines, font l’objet en générale de traitements plus complexes et plus coûteux. […] Les Bretons, les habitants des pays de la Loire, de Midi-Pyrénées et ceux résidant à proximité du littoral provençale reçoivent en grande partie des eaux de surface. » Les régions évoquées ne se situent pas dans des zones sédimentaires. Dans le massif armoricain par exemple, il n’existe le plus souvent aucune nappe profonde tant est proche de la surface le socle cristallin.

Dans un article complémentaire, on trouvera qu’à Paris se pose apparemment un problème bien différent, celui de la rentabilité de la régie municipale. Ses dépenses augmentent, en partie à cause d’un relèvement des critères de qualité des eaux et des normes sanitaires. Mais ses recettes tendent dans le même temps à diminuer. L’argumentaire fuse : « Depuis plusieurs années, la SEM vend moins d'eau. Les Parisiens en consomment moins. Les appareils électroménagers sont plus économes. Les hôpitaux, les hôtels, les entreprises sont plus parcimonieux. Les travaux sur les 1 800 km de conduites parisiennes ont réduit les fuites. Résultat, la quantité d'eau vendue a baissé de 20 % depuis 1990. » Or partout ailleurs, la consommation progresse ! En réalité, Paris subit les effets des mécanismes étudiés précédemment ; le nombre d’habitants à l’année a manifestement diminué dans la capitale. Le vieillissement signifie qu’un grand nombre de retraités partent à la belle saison… Et les logements vides ne constituent pas seulement des extrapolations de groupuscules gauchistes. De l’eau à la révolution !

PS./ Dernier article sur la périurbanisation : Bussyland.

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