vendredi 25 juin 2010

En pays briochin, les merveilles n’existent pas (carte scolaire et périurbanisation / suite)

La population vivant à l'intérieur de la communauté urbaine de Saint-Brieuc connaît une croissance régulière, avec 112.000 habitants selon les dernières estimations, contre 107.000 au recensement de 1999. Cette situation ne reflète pas celle du département dans son ensemble. Entre 1990 et 1999, la population des Côtes d'Armor aurait stagné en l'absence de l'aire urbaine briochine, celle-ci ne progressant que par l'installation de retraités, en particulier dans les communes littorales de la Côte du Goëlo ou de la Côte d'Emeraude. Compte tenu d'une natalité plus soutenue dans l'agglomération, l'âge moyen se situe en dessous de la moyenne du département : 39 ans contre 42. Les différents établissements de l'enseignement secondaire et supérieur permettent à 3.800 étudiants de suivre une scolarité sur place.
Mais la population vieillit (+ 2,5 ans entre 1990 et 1999), et la taille moyenne des ménages diminue. La part des couples sans enfant (+ 24 %) et des familles monoparentales dans le total des ménages progresse, au contraire de la part des familles avec enfant(s). Les ménages de quatre personnes voient leur proportion passer de 17 à 14 % et ceux de cinq personnes et plus, de 10 à 7 % (entre 1990 et 1999). Au terme de cette évolution, les ménages d'une personne sont les plus nombreux, qui occupent un tiers des logements, illustration à la fois de la fragilisation des couples et de la multiplication des personnes âgées isolées. Les populations les plus jeunes résident dans la partie centrale de l'agglomération, malgré un fort taux de chômage, tandis que l'on trouve dans les périphéries pavillonnaires une large majorité d'actifs jouissant d'un emploi stable (avec CDI / la proportion des chômeurs tombe en dessous de 9 %). Dans Saint-Brieuc, la mobilité des résidents est beaucoup plus forte que dans les communes périphériques. Celles-ci accueillent des couples désireux d'acquérir une maison et de loger une famille qui s'agrandit éventuellement. Les communes périphériques rassemblant d'ores et déjà les deux tiers de la population totale de l'agglomération, la réserve de couples susceptibles d'alimenter la périurbanisation briochine s'amenuise cependant. [sources / INSEE]
La progression démographique des périphéries de Saint-Brieuc équilibre à peine la baisse des effectifs que connaissent les autres communes des Côtes d'Armor. Guingamp, la principale sous-préfecture est passée de 8.013 habitants en 1999 à 7.724 habitants en 2007 (évaluation provisoire). Saint Quay – Portrieux, l'un des gros ports du nord de la péninsule bretonne (de 3.115 à 3.036 habitants), ou Mûr de Bretagne (de 2.091 à 2.084 habitants), une grosse commune du sud du département dans la zone d'influence de Pontivy (Morbihan) subissent, elles aussi un tassement de leurs populations. On observe la même tendance à Saint Nicolas du Pélem (de 1.845 à 1.834 habitants), à Bégard (de 4.476 à 4.428 habitants) ou à Bourbriac (de 2.299 à 2.339 habitants), pour ne citer que quelques bourgs parmi les plus peuplés des Côtes d'Armor. Dans l'aire d'influence de Saint-Brieuc, Plédran ne profite même pas de l'attractivité de l'agglomération – préfecture départementale. Le nombre d'habitants régresse fortement : 5.749 habitants en 1999 contre 5.577 en 2004 (- 0,6 % en moyenne annuelle sur la période)
C'est pourtant dans ce contexte que Benoît Floc'h, du Monde écrit un article à la gloire de Tréméloir, bourgade de 700 habitants (386 en 1982) distante d'une vingtaine de kilomètres, toute proche de la voie express (quatre voies) reliant Saint-Brieuc à Brest. Une école ouvre ses portes, en effet, plus de vingt ans après sa fermeture. Et tout le monde de se réjouir. Faute de place dans le bâtiment vénérable en granite (excès de précipitation ?), des préfabriqués accueilleront les classes. Les élèves apprécieront le caractère spartiate des locaux. Mais, nous explique Benoît Floc'h, « C'est une renaissance. Cette école va complètement changer la vie dans le bourg. » On dénombre quatre écoles publiques et deux écoles privées aux alentours. Pourtant, « résume Marie Hellier, 76 ans, qui a 'toujours vécu à Tréméloir' installée à la table de ferme de sa cuisine, 'c'était la débandade, si l'on peut dire.' »
Avec l'arrivée de nombreuses familles périurbaines, le maire de Tréméloir a finalement refusé de financer la scolarisation des enfants à l'extérieur de la commune (120 enfants en 2006-2007 / 80.000 €). Le journaliste du Monde précise le rôle déterminant de l'inspection de l'éducation nationale, qui s'est déclarée prête à créer trois postes d'enseignants, sous condition d'une nouvelle construction : trois millions d'euros pour moitié à la charge des contribuables de Tréméloir ; ceux rencontrés par le journaliste ne débordent pas d'enthousiasme. Benoît Floc'h se félicite quand même, car « Les élus ont opté pour un bâtiment contemporain aménagé selon les dernières normes environnementales, ce qui favorisera l'éducation au développement durable : plantations sur le toit, utilisation de toutes les énergies propres, et tuyaux apparents 'pour que les élèves soient conscients qu'il y a de la mécanique dans le bâtiment'. Même le local à poubelles pourra être utilisé sur le plan pédagogique ! » Mais l'efficacité économique ne commande-t-elle pas la concentration des moyens ? Plusieurs sites sous-employés ne coûtent-ils pas plus qu'un seul tournant à plein régime ? Bagatelles.
Dans la suite de l'article, la joie du journaliste cède la place à l'exultation. L'école va redynamiser le village (ce n'est pas une question, c'est une affirmation) et brasser les générations. Benoît Floc'h repousse en conclusion les interrogations qui fâchent : l'augmentation des impôts, et surtout la disparition des élèves dans les classes du secteur. « Plérin, qui accueillait 37 enfants de Tréméloir dans ses écoles, fait les frais de la redynamisation du village voisin. L'école publique du Sépulcre pourrait perdre une classe, et la ville a dû instaurer une carte scolaire pour la protéger de la défiance des parents. » En pays briochin, les merveilles n'existent pas.

PS./ Dernier article sur le financement des écoles dans les communes périurbaines : voir A Lindry, personne n'y pense mais tout le monde rit.

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