vendredi 25 juin 2010

Genevois pas de solutions miracles (Des problèmes de circulation dans Genève)

Dans la deuxième agglomération suisse, 411 personnes ont répondu à la mi – novembre à une enquête sur le thème des transports urbains, et de la place à réserver à la voiture. L'encombrement du réseau genevois et la pollution atmosphérique qui en résulte sous-tendent les douze questions posées à des habitants de la cité. L'analyse fait ressortir quatre niveaux de réponses. Sept questions suscitent une quasi – unanimité, c'est-à-dire entre 76 et 85 % d'opinions favorables. Elles témoignent de l'état d'esprit des sondés, et d'abord de l'impression d'envahissement qu'ils ressentent. Ils souhaitent en effet « restreindre l'accès en voiture des frontaliers en créant des parkings à Bardonnex et Annemasse » (82 %) et « restreindre l'accès en voiture des pendulaires vaudois en créant des parkings proches des CFF vaudois » (76 %). Dans un cas comme dans l'autre, celui qui réside à l'extérieur – peu importe sa nationalité – est vu comme un gêneur et non comme quelqu'un qui se déplace pour travailler ou qui vient faire ses emplettes en ville.
Qui s'en étonnera ? La très large majorité approuvent les mesures visant à améliorer leur cadre de vie : « augmenter les zones piétonnes en centre-ville » (76 %), « achever la 3 voies entre Genève et Lausanne » – surtout en direction de la deuxième !? – (80 %) et enfin « réduire la fiscalité pour les entreprises qui favorisent les transports publics pour leurs employés » (85 %). Dans ce dernier cas, les employés périurbains utilisant leur voiture sont visiblement exclus. Globalement, toutes ces mesures organisent la raréfaction des transports et agissent par ricochet sur le niveau des prix de l'immobilier, élément supplémentaire favorisant les propriétaires. Les sondés plébiscitent de la même façon les décisions portant sur l'usage de la voiture : « créer des parkings souterrains pour les habitants du centre-ville » (83 %) et « supprimer l'impôt pour les voitures écologiques et sur les petites cylindrées » (81 %). Plus on parcourt de kilomètres, plus on a besoin d'une routière ; le propre d'un automobiliste effectuant des allers et venues entre le centre et la périphérie où il réside.
Deux tiers des sondés désirent justement « augmenter l'impôt sur les 4 x 4 et les grosses cylindrées » (64 %), mais aussi « élargir l'autoroute Genève – Lausanne à six voies » (65 %). C'est le deuxième niveau de réponse. A une majorité simple – troisième niveau – on trouve les questions suivantes : « réaliser une grande traversée autoroutière (avec péage) » (53 %) et « taxer les entreprises qui mettent des parkings à disposition des employés en centre-ville » (51 %). Beaucoup se sentent soudain concernés et condamnent cette mise en cause de leur propre situation. La douzième et dernière question n'a pas d'équivalent. Elle seule a déclenché un vote négatif. Car 35 % souhaitent « instaurer un péage urbain ». Le doute n'est plus permis. Les politiques urbaines touchant à la mobilité ne valent que lorsqu'elles sanctionnent les autres. Le péage urbain constituerait une réponse efficace à l'engorgement du réseau ? Impopulaire, elle risque de rester à l'état de simple postulat.
Car Genève s'inscrit dans un carcan. Le canton genevois termine au sud-ouest le Mittelland, c'est-à-dire la Suisse des plateaux d'origine glaciaire, coincés entre le Jura (au nord-ouest) et les Alpes (au sud-est). A une altitude qui n'excède jamais 600 mètres, ceux-ci supportent la grande majorité des lacs que compte la Confédération, le Léman arrivant au sommet de la hiérarchie, avec un peu plus de 580 km². En forme de banane empâtée, ce lac se vide dans le Rhône, unique fleuve – exutoire. Le site originel de Genève correspond à une colline dominant l'extrémité du Léman, au nord de la confluence entre l'Arve et le Rhône, ce fleuve qui sépare aujourd'hui l'agglomération en deux. Mais l'environnement montagneux et lacustre s'est compliqué d'une délimitation de frontière figée à la fin du Premier Empire. Intégrée à la France en 1798, Genève récupère son autonomie en 1813, à l'arrivée des troupes autrichiennes pourchassant les bataillons épars de la Grande Armée... [source] Elle se trouve depuis dans une impasse géopolitique, avec des frontières longtemps imperméables. Sa vitalité économique a cependant accompagné son étalement spatial et transfrontalier. Car les Français ont succombé depuis plusieurs décennies à l'attrait des salaires suisses. L'urbanisation de la vallée de l'Arve (à et autour d'Annemasse) prolonge en France l'agglomération genevoise.
En 2007, Genève étouffe. Genève s'engorge, et La Tribune se fait l'écho (voir l'enquête évoquée au départ) d'une exaspération grandissante de la population. Mais les hommes politiques pâtissent d'attaques qui s'accordent par l'absence de cohérence et le calcul à court terme. Le président de la chambre de commerce évoque ainsi la construction d'un contournement de l'agglomération, un peu comme si la Suisse se situait au beau milieu des grandes plaines américaines.
Beaucoup espèrent des grands travaux censés par enchantement résoudre les problèmes de circulation automobile. La traversée du Léman poserait (posera ?) le plus de difficultés techniques, avec les implications financières que cela comporte. Or la ville a refusé à plusieurs reprises de fusionner administrativement avec le canton éponyme, qui élargirait la capacité d'emprunt. Tous ces projets correspondent cependant à une stimulation de l'offre. Sauf installation complémentaire d'un péage, ils aboutiront – comme en témoignent des centaines d'agglomérations à travers le monde – à une nouvelle augmentation du nombre de voitures ; et à de nouveaux bouchons. Le développement des transports publics achoppe sur la géographie de la population, et rentre par conséquent en contradiction avec l'étalement périurbain de Genève [source].
Un article amène le lecteur sur une piste plus intéressante, la densification de l'habitat urbain. Rendre la ville habitable du point de vue des loyers impliquerait d'exproprier et de construire plus en hauteur. Il faudrait un Calvin, ou un Bonaparte... Pour l'heure, un observateur constate que « Genève se développe selon le modèle californien, avec une priorité à la voiture. Les gens habitent dans leur villa en périphérie, travaillent dans les zones industrielles, fréquentent les grands centres commerciaux et les salles multiplex et n’ont plus aucun contact avec le centre-ville. Parallèlement, ce centre est investi par les bobos, un retour sur la vie de quartier, les épiceries bio et des mesures de restriction du trafic. On appelle ceci la gentryfication et on la voit déjà à l’œuvre, notamment dans le quartier des Bains. »
Genevois, quelles solutions ?

PS./ Dernier papier sur les problèmes de transport en agglomération : Ne pas confondre ‘Grenelle de l’environnement’ et festival des grands travaux subventionnés

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