La politique de l’enfant unique continue en Chine à alimenter la chronique [voir une poignée de noix fraîches] Cela ne devrait étonner personne, en tout cas à l’étranger. Sur place, les organes du parti et les journaux officiels justifient, encore et toujours, les décisions de la fin de l'ère - Mao (1971). Ils tentent de tuer dans l’œuf toute controverse derrière quelques mots d’ordre non démontrés : Cette politique a bridé l’explosion démographique programmée (c’est le passé), il convient de ne pas baisser la vigilance (pour aujourd’hui) et il sera toujours temps d’effectuer une révision dans le futur, si nécessaire (un autre jour, plus tard).
Dans le dernier Courrier International (n°865 / Du 31 mai au 6 juin 2007 / tiré du bimensuel pékinois Caijing), un article intitulé La politique de l’enfant unique ne fait plus recette et signé par Chang Hongxiao en fait une nouvelle fois la démonstration. La neutralité glaçante du ton vise à gommer – ou pire, à les faire oublier – les répercussions humaines des politiques de contrôle des naissances. Sur plusieurs colonnes apparaissent les questions du vieillissement, du nombre des actifs, du financement des retraites, comme s’il s’agissait d’une froide mécanique macroéconomique : en diminuant de tant, on obtient tant. Mais lorsque l’Etat se mêle d’aussi près de la natalité de ses concitoyens, l’immixtion va jusqu’au plus intime des foyers, au viol légal… C’est une des caractéristiques majeures du totalitarisme. Sur le côté de l’article, Courrier International relate dans un entrefilet les manifestations du 22 et 23 mai derniers à Bobai (au sud de la Chine) contre la planification des naissances. Les manifestants s’élèvent contre les « stérilisations, avortements forcés et [des] amendes exorbitantes infligées aux parents ayant plus d’un enfant, ainsi que [par] des arrestations et des fouilles de logements accompagnées de violence. »
Le journaliste tait par conséquent la tragédie quotidienne, mais s’interroge sur les effets à court ou moyen terme de la diminution forcée des naissances en Chine. Pour poser les limites qu’il souhaite ne pas franchir, il exonère dès le départ le PCC. « Selon des estimations de la Commission Nationale de la Population et de la Planification Familiale (CNPPF), sans le contrôle des naissances mis en place en 1971, la Chine compterait aujourd’hui 400 millions de personnes en plus. » L’argument d’autorité convainc d’autant moins qu’il émane d’une Commission manifestement mise en place par le parti, lui-même susceptible d’être accusé ! Mais prenons un exemple tout proche pour tenter une comparaison éclairante : en 1970 (en moyenne décennale calculée sur 1965 – 1975), les indices conjoncturels de fécondité de la Chine et de la Corée du Sud étaient proches : respectivement de 5,4 et 4,3 enfants par femme [sources : Etat du Monde – 1992].
En 2005, l’écart s’est resserré entre 1,7 (pour la Chine) et 1,2 (pour la Corée du Sud). Pour bien comparer les deux pays, et évaluer à sa juste mesure la politique de l’enfant unique, il faut recourir à l’évolution indiciaire : la Chine est passée de l’indice 100 (1970) à l’indice 31,5 et la Corée du Sud, de l’indice 100 à l’indice 28 ; pas de la même façon. S’il y avait menace de surpopulation dans la péninsule, elle a été de toutes façons évitée : la densité moyenne en Corée du Sud s’établit à 483 habitants / km² (137 en Chine) pour un PNB par habitant de 12.020 dollars par an, contre 1.100 en Chine. Le rapport de richesse relative entre les deux populations n’était que de 1 à 2 en 1970 (à la faveur de la Corée du Sud) et non de 1 à 10 ! (sources : Quid 2006) Rien ne nous oblige donc à prendre pour argent comptant les affirmations selon lesquelles en Chine, le parti aurait réussi à éviter le pire.
Sur la politique de l’enfant unique, Chang Hongxiao ne s’arrête pas à un argumentaire lénifiant. Il recense au contraire les unes après les autres les difficultés à venir, qu’il regroupe en trois axes : le vieillissement accéléré de la population chinoise (les plus de 65 ans verront leur part dans la population totale croître de 7 à 20 % d’ici à 2045), le déséquilibre de son sex ratio (on dénombre aujourd’hui 119 hommes pour 100 femmes) et le rétrécissement de la population active. Le journaliste rappelle à ce sujet que la forte augmentation du nombre des actifs a suscité à elle seule un quart de la croissance économique chinoise entre 1978 et 1998… Un quatrième axe manque manifestement, qui préoccupe les analystes économistes : le financement des retraites. Dans un pays privé de système satisfaisant, les Chinois épargnent – ou croient le faire – en plaçant leur argent en bourse, ce qui conduit à une grimpée fragile et non maîtrisée du cours des actions à Shanghai [nouvelle glissade le 4 juin].
Même si le journaliste s'en tient prudemment à la thèse officielle (toute remise en cause de la politique de l’enfant unique est périlleuse), il recense quand même les grandes disparités entre régions… « Actuellement, vingt-neuf d’entre elles appliquent la politique dite ‘du double enfant unique’ (autorisant les parents, tous deux enfants uniques, à avoir un deuxième enfant) et sept provinces ou municipalités spéciales – dont le Jilin, le Fujian et Shanghai – ont adopté pour les familles rurales la politique dite ‘du simple enfant unique’ (autorisant la naissance d’un deuxième enfant lorsqu’un seul des parents est enfant unique). » Or deux des trois provinces citées donnent sur la mer de Chine : Fujian et Shanghai en tant que municipalité spéciale [carte]. Quant à la troisième province citée, celle du Jilin en Mandchourie, on y trouve l’une des dix plus grandes agglomérations du pays , Harbin (avec environ 5 millions d’habitants). Il s’agit donc de la Chine la plus urbanisée et la plus riche, laissant entrapercevoir l’iniquité de la politique anti-nataliste : faible avec les forts, intransigeante avec les petits.
Chang Hongxiao fait preuve d’audace en conclusion de son article. Il livre ses doutes sur la fiabilité des statistiques du parti : « l’ICF de 1,8 avancé officiellement est sans doute surévalué et [que] le chiffre réel se situe plus vraisemblablement entre 1,4 et 1,7 ». Il porte un coup discret mais rude contre les vérités officielles, et laisse ainsi entendre que la dénatalité artificiellement organisée aura des conséquences négatives. Parce que l’on ne peut réparer les torts du passé et faire naître après coup des enfants qui s’avèrent finalement manquer… Dans quatre ans le 12ème plan quinquennal – nous dit le journaliste – abandonnera peut-être la politique de l’enfant unique ; la belle affaire ! Combien de Chinoises nées en 1971 fêtent cette année leurs 36 ans ? Au minimum 10 millions.
Disons que la moitié souhaiteraient donner naissance à un deuxième ou à un troisième enfant. Entre 1990 et 1997, elles avaient en moyenne cinq chances sur dix d’être enceintes à l’issue d’un seul cycle menstruel ; entre 1997 et 2005, quatre chances sur dix. D’ici à 2010, la proportion passe à moins de trois chances sur dix. Après 2010, nos Chinoises n’auront plus que deux chances sur dix d’être enceintes, et encore : en absence d’écart d’âge entre les deux futurs parents [sources]. Selon mon hypothèse de départ, 5 millions de Chinoises vont donc surtout concevoir beaucoup d’amertume… Horloge biologique et calendrier quinquennal ne font pas bon ménage.
Dans le dernier Courrier International (n°865 / Du 31 mai au 6 juin 2007 / tiré du bimensuel pékinois Caijing), un article intitulé La politique de l’enfant unique ne fait plus recette et signé par Chang Hongxiao en fait une nouvelle fois la démonstration. La neutralité glaçante du ton vise à gommer – ou pire, à les faire oublier – les répercussions humaines des politiques de contrôle des naissances. Sur plusieurs colonnes apparaissent les questions du vieillissement, du nombre des actifs, du financement des retraites, comme s’il s’agissait d’une froide mécanique macroéconomique : en diminuant de tant, on obtient tant. Mais lorsque l’Etat se mêle d’aussi près de la natalité de ses concitoyens, l’immixtion va jusqu’au plus intime des foyers, au viol légal… C’est une des caractéristiques majeures du totalitarisme. Sur le côté de l’article, Courrier International relate dans un entrefilet les manifestations du 22 et 23 mai derniers à Bobai (au sud de la Chine) contre la planification des naissances. Les manifestants s’élèvent contre les « stérilisations, avortements forcés et [des] amendes exorbitantes infligées aux parents ayant plus d’un enfant, ainsi que [par] des arrestations et des fouilles de logements accompagnées de violence. »
Le journaliste tait par conséquent la tragédie quotidienne, mais s’interroge sur les effets à court ou moyen terme de la diminution forcée des naissances en Chine. Pour poser les limites qu’il souhaite ne pas franchir, il exonère dès le départ le PCC. « Selon des estimations de la Commission Nationale de la Population et de la Planification Familiale (CNPPF), sans le contrôle des naissances mis en place en 1971, la Chine compterait aujourd’hui 400 millions de personnes en plus. » L’argument d’autorité convainc d’autant moins qu’il émane d’une Commission manifestement mise en place par le parti, lui-même susceptible d’être accusé ! Mais prenons un exemple tout proche pour tenter une comparaison éclairante : en 1970 (en moyenne décennale calculée sur 1965 – 1975), les indices conjoncturels de fécondité de la Chine et de la Corée du Sud étaient proches : respectivement de 5,4 et 4,3 enfants par femme [sources : Etat du Monde – 1992].
En 2005, l’écart s’est resserré entre 1,7 (pour la Chine) et 1,2 (pour la Corée du Sud). Pour bien comparer les deux pays, et évaluer à sa juste mesure la politique de l’enfant unique, il faut recourir à l’évolution indiciaire : la Chine est passée de l’indice 100 (1970) à l’indice 31,5 et la Corée du Sud, de l’indice 100 à l’indice 28 ; pas de la même façon. S’il y avait menace de surpopulation dans la péninsule, elle a été de toutes façons évitée : la densité moyenne en Corée du Sud s’établit à 483 habitants / km² (137 en Chine) pour un PNB par habitant de 12.020 dollars par an, contre 1.100 en Chine. Le rapport de richesse relative entre les deux populations n’était que de 1 à 2 en 1970 (à la faveur de la Corée du Sud) et non de 1 à 10 ! (sources : Quid 2006) Rien ne nous oblige donc à prendre pour argent comptant les affirmations selon lesquelles en Chine, le parti aurait réussi à éviter le pire.
Sur la politique de l’enfant unique, Chang Hongxiao ne s’arrête pas à un argumentaire lénifiant. Il recense au contraire les unes après les autres les difficultés à venir, qu’il regroupe en trois axes : le vieillissement accéléré de la population chinoise (les plus de 65 ans verront leur part dans la population totale croître de 7 à 20 % d’ici à 2045), le déséquilibre de son sex ratio (on dénombre aujourd’hui 119 hommes pour 100 femmes) et le rétrécissement de la population active. Le journaliste rappelle à ce sujet que la forte augmentation du nombre des actifs a suscité à elle seule un quart de la croissance économique chinoise entre 1978 et 1998… Un quatrième axe manque manifestement, qui préoccupe les analystes économistes : le financement des retraites. Dans un pays privé de système satisfaisant, les Chinois épargnent – ou croient le faire – en plaçant leur argent en bourse, ce qui conduit à une grimpée fragile et non maîtrisée du cours des actions à Shanghai [nouvelle glissade le 4 juin].
Même si le journaliste s'en tient prudemment à la thèse officielle (toute remise en cause de la politique de l’enfant unique est périlleuse), il recense quand même les grandes disparités entre régions… « Actuellement, vingt-neuf d’entre elles appliquent la politique dite ‘du double enfant unique’ (autorisant les parents, tous deux enfants uniques, à avoir un deuxième enfant) et sept provinces ou municipalités spéciales – dont le Jilin, le Fujian et Shanghai – ont adopté pour les familles rurales la politique dite ‘du simple enfant unique’ (autorisant la naissance d’un deuxième enfant lorsqu’un seul des parents est enfant unique). » Or deux des trois provinces citées donnent sur la mer de Chine : Fujian et Shanghai en tant que municipalité spéciale [carte]. Quant à la troisième province citée, celle du Jilin en Mandchourie, on y trouve l’une des dix plus grandes agglomérations du pays , Harbin (avec environ 5 millions d’habitants). Il s’agit donc de la Chine la plus urbanisée et la plus riche, laissant entrapercevoir l’iniquité de la politique anti-nataliste : faible avec les forts, intransigeante avec les petits.
Chang Hongxiao fait preuve d’audace en conclusion de son article. Il livre ses doutes sur la fiabilité des statistiques du parti : « l’ICF de 1,8 avancé officiellement est sans doute surévalué et [que] le chiffre réel se situe plus vraisemblablement entre 1,4 et 1,7 ». Il porte un coup discret mais rude contre les vérités officielles, et laisse ainsi entendre que la dénatalité artificiellement organisée aura des conséquences négatives. Parce que l’on ne peut réparer les torts du passé et faire naître après coup des enfants qui s’avèrent finalement manquer… Dans quatre ans le 12ème plan quinquennal – nous dit le journaliste – abandonnera peut-être la politique de l’enfant unique ; la belle affaire ! Combien de Chinoises nées en 1971 fêtent cette année leurs 36 ans ? Au minimum 10 millions.
Disons que la moitié souhaiteraient donner naissance à un deuxième ou à un troisième enfant. Entre 1990 et 1997, elles avaient en moyenne cinq chances sur dix d’être enceintes à l’issue d’un seul cycle menstruel ; entre 1997 et 2005, quatre chances sur dix. D’ici à 2010, la proportion passe à moins de trois chances sur dix. Après 2010, nos Chinoises n’auront plus que deux chances sur dix d’être enceintes, et encore : en absence d’écart d’âge entre les deux futurs parents [sources]. Selon mon hypothèse de départ, 5 millions de Chinoises vont donc surtout concevoir beaucoup d’amertume… Horloge biologique et calendrier quinquennal ne font pas bon ménage.
PS.: Dernier papier sur la Chine : Le devenir de la Chine communiste, entre Maan et Shobert. Pour replonger dans l'histoire démographique de la Chine communiste, voir cet article synthétique .
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