Les raisons ne manquent pas pour écrire sur Nancy, la plus immédiate étant un article du Monde traitant de la rénovation de grands ensembles surplombant les parties centrales et anciennes de la ville. Les statistiques de l’INSEE constituent un passage obligé pour replacer la question dans son contexte historique et démographique. Les changements dans la répartition de la population nancéenne cadrent avec les grandes tendances observées au niveau hexagonal. Grâce aux recensements locaux par estimations réalisés entre 2003 et 2006, on note le regain de vitalité du centre de l’agglomération nancéenne. Ce dernier provient en partie d’un mouvement de retour déjà évoqué.
La gentryfication, ou réinstallation des familles les plus aisées dans les cœurs d’agglomérations, vaut pour Nancy comme pour d’autres en France, en Europe, ou en Amérique du Nord [voir ici]. L’excédent du solde naturel (les naissances moins les décès) équilibre un déficit du solde migratoire lui-même en cours de résorption : – 2,20 % en 1982, – 0,20 % en 1990 et – 0,19 % en 1999. Les familles résidant dans la commune centrale comptent plus d’enfants que la moyenne : 15,13 pour 1.000 à Nancy contre 12,40 pour 1.000 dans l’ensemble du département de la Meurthe-et-Moselle (moyenne annuelle calculée entre 1990 et 1999). Le coût du logement n’y change donc rien, parce que les parents estiment l’assumer financièrement… [voir ici] Pour la seule période 1982 – 1999, le nombre de naissances à Nancy est passé de 12.800 à 13.800.
Nancy compte 105.400 habitants, selon les projections de l’INSEE pour 2005. La commune tire vers le haut une population départementale en décrue entre 1975 et 1990, mais qui a recommencé à croître depuis, retrouvant selon les estimations de 2004 son sommet d’il y a trente ans : 722.000 habitants en Meurthe-et-Moselle [INSEE]. L’attraction nancéenne s’explique surtout par la dynamique de l’aire urbaine dans son ensemble. Avec plus de 400.000 habitants, celle-ci rassemble plus de la moitié de la population départementale. A Nancy, la population communale s’accroît désormais d’un recensement à l’autre : 96.300 en 1982, 99.400 en 1990, 103.600 en 1999. Le nombre de Nancéens a donc augmenté de 9,5 % sur l’ensemble de la période, c’est-à-dire en chiffre brut, de 9.100 habitants entre 1982 et 2005. Cette montée progressive contraste avec l’explosion démographique qui suivit le désastre de 1870 (la population de la ville doubla alors entre 1872 et 1901), mais aussi avec l’affaissement de la deuxième moitié du XXème siècle, qui suivit le développement des ceintures périurbaines : entre les recensements de 1962 et 1975, la population nancéenne fond de 131.000 à 108.000 habitants.
Les statistiques de l’INSEE montrent bien que durant les vingt dernières années et le retour en grâces de Nancy, ses banlieues proches ont cessé de progresser, comme dans le canton de Malzéville (de 22.200 à 21.700 habitants entre 1982 et 1999). La majorité régressent même nettement : les cantons de Saint-Max (de 29.000 à 28.000), de Laxou (de 33.000 à 31.000) ou de Vandœuvre, la deuxième plus grosse commune du département (après Nancy), se tasse : de 34.000 à 31.500 au 1er janvier 2005 [INSEE ]. Au sud-est, les cantons de Tomblaine (de 22 à 23.000) et de Jarville (de 23 à 25.000) progressent certes légèrement.
Dans le même temps, les communes situées un peu plus loin connaissent une croissance démographique plus nette : Seichamps, la plus importante banlieue de ce que l’on pourrait appeler la deuxième couronne, à 6 kilomètres plus à l’est du centre de Nancy, voit sa population passer de 14 à 17.000 habitants. Dans la campagne, des communes ne présentant aucune continuité urbaine avec l'agglomération (rurbaines) progressent plus vite encore, comme l’illustrent ces quelques exemples : Lupcourt à 10 km (+ 3,7 %), Montenoy à 15 km (+ 2,4 %), Bainville-sur-Madon à 20 km (+ 3,0 %), Réméréville à 25 km (+ 2,9 %), Villers-lès-Moivrons à 25 km (+7,5 %), Ochey à 30 km (+ 4,4 %), ou encore Autreville-sur-Moselle à 30 km (+ 3,2 %)… J’interromps ici cette liste ; chacun pourra se reporter au document – source. On peut discuter du rayon de l’aire urbaine de Nancy, mais au sein de celle-ci, les communes péri – centrales ou premières banlieues subissent une double concurrence : vers l’intérieur par ce qu’elles ne sont pas assez urbaines, et vers l’extérieur parce qu’elles ne sont pas assez rurales ! Les plus optimistes évoqueront une sorte de second souffle de la périurbanisation ; ces données corroborent cependant celles récemment mises à jour en Picardie [La Picardie refroidit-elle ?].
Dans ces conditions, le projet de réhabilitation – rénovation des hauts de Nancy part avec un handicap, le quartier visé appartenant à la première couronne déjà décrite. Les Hauts du Lièvre particulièrement concerné par l’opération d’urbanisme dominent l’ancienne ville ducale, grands ensembles construits sur le revers de la côte de Moselle (la dénivellation atteint une centaine de mètres) à partir de 1954 sous la direction de l’architecte Zerfuss. Dirigisme et aveuglement se juxtaposaient hier : le quartier s'est révélé à la fois trop proche du centre et mal raccordé, en partie à cause de la topographie ; Nancy étant historiquement installée au pied de la côte de Moselle, et non sur le plateau boisé. L’habitat collectif concentre ensuite les problèmes sociaux, transformant vite les Hauts du Lièvre en quartier difficile.
Mais si le projet d’urbanisme présenté par Alexandre Chemetoff a déclenché des polémiques, c’est surtout à cause d’une prison conçue pour constituer l’élément central du quartier bientôt refondu. Grégoire Allix donne les détails du futur aménagement mais aussi du chantier, puisque certains s’inquiètent de la délégation donnée à des entreprises privées. L’importance et le soin donnés à la prison, à son esthétique, feraient presque sourire, s’ils ne mécontentaient déjà les excessifs de tous bords, utopistes hostiles à tout enfermement d’un côté, et nostalgiques du bagne de l’autre… La polémique sort du sujet, c'est-à-dire l’opportunité de relancer l’attractivité d’une banlieue proche de Nancy, commune au centre d’une aire urbaine de 400.000 habitants.
S’agissait-il de l’équipement le mieux choisi pour attirer de nouveaux habitants dans ce quartier des Hauts du Lièvre ? Je gage que les habitants espérés ne posent un lapin, que dirigisme et aveuglement règnent toujours, avec son lot d'espoirs déçus et d'argent gaspillé. Mais au fait, pourquoi détruit-on soudainement la vieille prison de Nancy ? « Cette prison toute neuve de 690 places doit remplacer à partir de 2008 la vieille maison d'arrêt Charles III, ouverte en 1857, condamnée à mort par la mutation du quartier de la gare (Le Monde du 16 avril), entreprise pour l'arrivée du TGV Est, à partir du 10 juin. » Les quartiers les plus dynamiques se trouvent décidément dans le centre !
PS./ Dernier papier sur la périurbanisation : La carte, à la carte.
La gentryfication, ou réinstallation des familles les plus aisées dans les cœurs d’agglomérations, vaut pour Nancy comme pour d’autres en France, en Europe, ou en Amérique du Nord [voir ici]. L’excédent du solde naturel (les naissances moins les décès) équilibre un déficit du solde migratoire lui-même en cours de résorption : – 2,20 % en 1982, – 0,20 % en 1990 et – 0,19 % en 1999. Les familles résidant dans la commune centrale comptent plus d’enfants que la moyenne : 15,13 pour 1.000 à Nancy contre 12,40 pour 1.000 dans l’ensemble du département de la Meurthe-et-Moselle (moyenne annuelle calculée entre 1990 et 1999). Le coût du logement n’y change donc rien, parce que les parents estiment l’assumer financièrement… [voir ici] Pour la seule période 1982 – 1999, le nombre de naissances à Nancy est passé de 12.800 à 13.800.
Nancy compte 105.400 habitants, selon les projections de l’INSEE pour 2005. La commune tire vers le haut une population départementale en décrue entre 1975 et 1990, mais qui a recommencé à croître depuis, retrouvant selon les estimations de 2004 son sommet d’il y a trente ans : 722.000 habitants en Meurthe-et-Moselle [INSEE]. L’attraction nancéenne s’explique surtout par la dynamique de l’aire urbaine dans son ensemble. Avec plus de 400.000 habitants, celle-ci rassemble plus de la moitié de la population départementale. A Nancy, la population communale s’accroît désormais d’un recensement à l’autre : 96.300 en 1982, 99.400 en 1990, 103.600 en 1999. Le nombre de Nancéens a donc augmenté de 9,5 % sur l’ensemble de la période, c’est-à-dire en chiffre brut, de 9.100 habitants entre 1982 et 2005. Cette montée progressive contraste avec l’explosion démographique qui suivit le désastre de 1870 (la population de la ville doubla alors entre 1872 et 1901), mais aussi avec l’affaissement de la deuxième moitié du XXème siècle, qui suivit le développement des ceintures périurbaines : entre les recensements de 1962 et 1975, la population nancéenne fond de 131.000 à 108.000 habitants.
Les statistiques de l’INSEE montrent bien que durant les vingt dernières années et le retour en grâces de Nancy, ses banlieues proches ont cessé de progresser, comme dans le canton de Malzéville (de 22.200 à 21.700 habitants entre 1982 et 1999). La majorité régressent même nettement : les cantons de Saint-Max (de 29.000 à 28.000), de Laxou (de 33.000 à 31.000) ou de Vandœuvre, la deuxième plus grosse commune du département (après Nancy), se tasse : de 34.000 à 31.500 au 1er janvier 2005 [INSEE ]. Au sud-est, les cantons de Tomblaine (de 22 à 23.000) et de Jarville (de 23 à 25.000) progressent certes légèrement.
Dans le même temps, les communes situées un peu plus loin connaissent une croissance démographique plus nette : Seichamps, la plus importante banlieue de ce que l’on pourrait appeler la deuxième couronne, à 6 kilomètres plus à l’est du centre de Nancy, voit sa population passer de 14 à 17.000 habitants. Dans la campagne, des communes ne présentant aucune continuité urbaine avec l'agglomération (rurbaines) progressent plus vite encore, comme l’illustrent ces quelques exemples : Lupcourt à 10 km (+ 3,7 %), Montenoy à 15 km (+ 2,4 %), Bainville-sur-Madon à 20 km (+ 3,0 %), Réméréville à 25 km (+ 2,9 %), Villers-lès-Moivrons à 25 km (+7,5 %), Ochey à 30 km (+ 4,4 %), ou encore Autreville-sur-Moselle à 30 km (+ 3,2 %)… J’interromps ici cette liste ; chacun pourra se reporter au document – source. On peut discuter du rayon de l’aire urbaine de Nancy, mais au sein de celle-ci, les communes péri – centrales ou premières banlieues subissent une double concurrence : vers l’intérieur par ce qu’elles ne sont pas assez urbaines, et vers l’extérieur parce qu’elles ne sont pas assez rurales ! Les plus optimistes évoqueront une sorte de second souffle de la périurbanisation ; ces données corroborent cependant celles récemment mises à jour en Picardie [La Picardie refroidit-elle ?].
Dans ces conditions, le projet de réhabilitation – rénovation des hauts de Nancy part avec un handicap, le quartier visé appartenant à la première couronne déjà décrite. Les Hauts du Lièvre particulièrement concerné par l’opération d’urbanisme dominent l’ancienne ville ducale, grands ensembles construits sur le revers de la côte de Moselle (la dénivellation atteint une centaine de mètres) à partir de 1954 sous la direction de l’architecte Zerfuss. Dirigisme et aveuglement se juxtaposaient hier : le quartier s'est révélé à la fois trop proche du centre et mal raccordé, en partie à cause de la topographie ; Nancy étant historiquement installée au pied de la côte de Moselle, et non sur le plateau boisé. L’habitat collectif concentre ensuite les problèmes sociaux, transformant vite les Hauts du Lièvre en quartier difficile.
Mais si le projet d’urbanisme présenté par Alexandre Chemetoff a déclenché des polémiques, c’est surtout à cause d’une prison conçue pour constituer l’élément central du quartier bientôt refondu. Grégoire Allix donne les détails du futur aménagement mais aussi du chantier, puisque certains s’inquiètent de la délégation donnée à des entreprises privées. L’importance et le soin donnés à la prison, à son esthétique, feraient presque sourire, s’ils ne mécontentaient déjà les excessifs de tous bords, utopistes hostiles à tout enfermement d’un côté, et nostalgiques du bagne de l’autre… La polémique sort du sujet, c'est-à-dire l’opportunité de relancer l’attractivité d’une banlieue proche de Nancy, commune au centre d’une aire urbaine de 400.000 habitants.
S’agissait-il de l’équipement le mieux choisi pour attirer de nouveaux habitants dans ce quartier des Hauts du Lièvre ? Je gage que les habitants espérés ne posent un lapin, que dirigisme et aveuglement règnent toujours, avec son lot d'espoirs déçus et d'argent gaspillé. Mais au fait, pourquoi détruit-on soudainement la vieille prison de Nancy ? « Cette prison toute neuve de 690 places doit remplacer à partir de 2008 la vieille maison d'arrêt Charles III, ouverte en 1857, condamnée à mort par la mutation du quartier de la gare (Le Monde du 16 avril), entreprise pour l'arrivée du TGV Est, à partir du 10 juin. » Les quartiers les plus dynamiques se trouvent décidément dans le centre !
PS./ Dernier papier sur la périurbanisation : La carte, à la carte.
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