Genèse pathétique. En 1938 – 1939, le pouvoir politique privilégie le statu quo, à Londres comme à Paris. Une fois la Wehrmacht rentrée en Pologne à la fin du mois d’août, on décide de rester l’arme au pied… Quels que soient les arguments avancés, aucun ne parviendra jamais à expliquer pourquoi l’armée française ne reçoit pas l’ordre de franchir le Rhin en septembre 1939, la ligne Maginot servant généralement à justifier une stratégie défensive et attentiste. Ces fortifications confortent certes les partisans de l’inaction, mais n’éclairent pas ce fait incontestable qu’est la déclaration de guerre à l’Allemagne, impliquant d’une façon ou d’une autre l’obligation de mettre l’ennemi à genoux ; difficile à imaginer sans le combattre !
Pour ces raisons qu’il ne nous appartient pas ici de détailler, l’expédition de Narvik au nord de la Norvège illustre ab absurdo cette période : ne pas agir, ou agir n’importe comment, sans tenir compte des faits géographiques (ici la proximité du cercle Polaire), mais de telle façon que l’implication sur le cours général de la guerre n’en soit pas perturbé. Le déclic en est d’ailleurs – non un mouvement des troupes allemandes, c’est un comble – mais l’invasion de la Finlande par l’Armée rouge : « On chercha aussitôt les moyens de porter secours à l’innocente victime, objet d’une très vive sympathie de toute l’opinion publique ; on vit que le plus simple consistait à utiliser, amicalement si possible, pour traverser le nord de la Norvège et de la Suède, le chemin de fer de Narvik à Lulä. » [DURTESTE (Louis) / Narvik, banc d’essai des grands débarquements. / Revue Historique des Armées / n°219 / 2000 / p.37]. Après la capitulation finlandaise, les Etats-majors redéfinissent les objectifs ; de soviétique, l’ennemi devient allemand. Comme si de rien n’était. Narvik témoigne de l’inféodation intégrale du militaire au politique. Peu importent les objectifs, seule la lisibilité compte ! Or l’incompétence des donneurs d’ordre ne fait aucun doute : « à Londres, on prend le tracé de la frontière norvégienne pour une ligne de chemin de fer ; à Berlin, on ne dispose que d’un guide touristique pour préparer l’invasion du pays ; et à Paris, le jour même du débarquement allemand, Paul Reynaud cherche en vain le port de Narvik sur son atlas ! » [KERSAUDY ]
Inutile d’attendre ici le détail des opérations en deux phases – bataille navale puis débarquement des forces – qui s’échelonnent d’avril à début juin (rembarquement le 6) 1940… On ne trouve pas plus de réflexion dans un camp que dans un autre, et du côté franco-britannique la pénurie logistique est évidente : mise en place lente, chargement des transports perfectible. « Aucune des rares routes existantes n’était déneigé, et l’épaisseur de la neige, renouvelée par de fréquentes chutes, restait comprise entre 1,20 et 1,50 mètre. Quant aux déplacements par mer, ils requéraient une batellerie adaptée, les chenaux étant souvent étroits et sinueux… » De là à utiliser des bateaux de pêche norvégiens, il n’y a qu’un pas vite franchi. MAIS TOUT DE MÊME, Narvik se trouve à une bonne centaine de kilomètres au nord du Cercle polaire ; le froid et les fjords n’auraient du surprendre personne !
Les enseignements tirés de Narvik sont difficiles à évaluer. Les erreurs commises préfigurent l’histoire des expéditions militaires postérieures. Combien remettent en cause la doctrine même des corps expéditionnaires ? Pour tous les autres, l’échec ne proviendrait que d’une organisation défectueuse, d’un manque de matériels de transport ou d’engins de débarquement. Que l’on remédie à ceci ou cela, et le tour sera joué… Bien sûr, dans chacun de ces champs, l’expédition de Narvik présentait des lacunes importantes. Mais l’impréparation allemande n’était pas moins importante.
Les nostalgiques de combats homériques ne manquent cependant pas, qui s’en tiennent à une thèse bien rôdée : « la neutralité norvégienne était illusoire. » S’il fallait que l’Allemagne nazie s’intéressât à la Norvège, que devrait-on entendre au sujet de la Suisse, de la Suède, ou encore du Portugal ? En avril 1940, « presque toute la flotte allemande est mobilisée pour cette opération, ainsi que 6 divisions d’infanterie et d’importantes forces aériennes. L’offensive a pour premier objectif huit villes côtières norvégiennes. Face à cette force écrasante, les défenses norvégiennes paraissent dérisoires. » Quel génie que ce Hitler, sous-entend-on ! Il savait que les Français ne déclencheraient aucune offensive terrestre… Evidemment, « avec le recul, l’invasion allemande apparaît pour l’époque comme une opération remarquable tant par son audace que par sa réussite. » [KERSAUDY ] La Norvège ne devait pas constituer pourtant un territoire très recherché : aucune troupe alliée ne vint déloger les Allemands stationnant en Norvège ! Ceux-ci capitulent pour finir sans conditions en mai 1945. Tout çà pour çà… [FIN]
PS./ Dernier papier sur La négligence du facteur 'terrain'.
Pour ces raisons qu’il ne nous appartient pas ici de détailler, l’expédition de Narvik au nord de la Norvège illustre ab absurdo cette période : ne pas agir, ou agir n’importe comment, sans tenir compte des faits géographiques (ici la proximité du cercle Polaire), mais de telle façon que l’implication sur le cours général de la guerre n’en soit pas perturbé. Le déclic en est d’ailleurs – non un mouvement des troupes allemandes, c’est un comble – mais l’invasion de la Finlande par l’Armée rouge : « On chercha aussitôt les moyens de porter secours à l’innocente victime, objet d’une très vive sympathie de toute l’opinion publique ; on vit que le plus simple consistait à utiliser, amicalement si possible, pour traverser le nord de la Norvège et de la Suède, le chemin de fer de Narvik à Lulä. » [DURTESTE (Louis) / Narvik, banc d’essai des grands débarquements. / Revue Historique des Armées / n°219 / 2000 / p.37]. Après la capitulation finlandaise, les Etats-majors redéfinissent les objectifs ; de soviétique, l’ennemi devient allemand. Comme si de rien n’était. Narvik témoigne de l’inféodation intégrale du militaire au politique. Peu importent les objectifs, seule la lisibilité compte ! Or l’incompétence des donneurs d’ordre ne fait aucun doute : « à Londres, on prend le tracé de la frontière norvégienne pour une ligne de chemin de fer ; à Berlin, on ne dispose que d’un guide touristique pour préparer l’invasion du pays ; et à Paris, le jour même du débarquement allemand, Paul Reynaud cherche en vain le port de Narvik sur son atlas ! » [KERSAUDY ]
Inutile d’attendre ici le détail des opérations en deux phases – bataille navale puis débarquement des forces – qui s’échelonnent d’avril à début juin (rembarquement le 6) 1940… On ne trouve pas plus de réflexion dans un camp que dans un autre, et du côté franco-britannique la pénurie logistique est évidente : mise en place lente, chargement des transports perfectible. « Aucune des rares routes existantes n’était déneigé, et l’épaisseur de la neige, renouvelée par de fréquentes chutes, restait comprise entre 1,20 et 1,50 mètre. Quant aux déplacements par mer, ils requéraient une batellerie adaptée, les chenaux étant souvent étroits et sinueux… » De là à utiliser des bateaux de pêche norvégiens, il n’y a qu’un pas vite franchi. MAIS TOUT DE MÊME, Narvik se trouve à une bonne centaine de kilomètres au nord du Cercle polaire ; le froid et les fjords n’auraient du surprendre personne !
Les enseignements tirés de Narvik sont difficiles à évaluer. Les erreurs commises préfigurent l’histoire des expéditions militaires postérieures. Combien remettent en cause la doctrine même des corps expéditionnaires ? Pour tous les autres, l’échec ne proviendrait que d’une organisation défectueuse, d’un manque de matériels de transport ou d’engins de débarquement. Que l’on remédie à ceci ou cela, et le tour sera joué… Bien sûr, dans chacun de ces champs, l’expédition de Narvik présentait des lacunes importantes. Mais l’impréparation allemande n’était pas moins importante.
Les nostalgiques de combats homériques ne manquent cependant pas, qui s’en tiennent à une thèse bien rôdée : « la neutralité norvégienne était illusoire. » S’il fallait que l’Allemagne nazie s’intéressât à la Norvège, que devrait-on entendre au sujet de la Suisse, de la Suède, ou encore du Portugal ? En avril 1940, « presque toute la flotte allemande est mobilisée pour cette opération, ainsi que 6 divisions d’infanterie et d’importantes forces aériennes. L’offensive a pour premier objectif huit villes côtières norvégiennes. Face à cette force écrasante, les défenses norvégiennes paraissent dérisoires. » Quel génie que ce Hitler, sous-entend-on ! Il savait que les Français ne déclencheraient aucune offensive terrestre… Evidemment, « avec le recul, l’invasion allemande apparaît pour l’époque comme une opération remarquable tant par son audace que par sa réussite. » [KERSAUDY ] La Norvège ne devait pas constituer pourtant un territoire très recherché : aucune troupe alliée ne vint déloger les Allemands stationnant en Norvège ! Ceux-ci capitulent pour finir sans conditions en mai 1945. Tout çà pour çà… [FIN]
PS./ Dernier papier sur La négligence du facteur 'terrain'.
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