jeudi 24 juin 2010

La périurbanisation, collectivisme géographique ? (”de l’eau à la révolution !” / SUITE)

A la suite d’un commentaire de lecteur, je reprends le fil d’un papier consacré à l’eau, sa distribution, aux coûts non – répercutés du retraitement et de l’adduction, tout cela en lien avec la périurbanisation. Je concluais ainsi à l’époque sur le cas de la commune française la plus peuplée. [de l’eau à la révolution !] « On trouvera qu’à Paris se pose apparemment un problème bien différent, celui de la rentabilité de la régie municipale. Ses dépenses augmentent, en partie à cause d’un relèvement des critères de qualité des eaux et des normes sanitaires. Mais ses recettes tendent dans le même temps à diminuer. […] En réalité, Paris subit les effets des mécanismes étudiés précédemment ; le nombre d’habitants à l’année a manifestement diminué dans la capitale. Le vieillissement signifie qu’un grand nombre de retraités partent à la belle saison… Et les logements vides ne constituent pas seulement des extrapolations de groupuscules gauchistes. De l’eau à la révolution ! »

Après réflexions plus approfondies, j’ajouterai l’impact d’une population estudiantine vivant dans Paris intra muros : les étudiants s’absentent en effet le week-end. ou pendant les vacances scolaires, pour des séjours plus ou moins longs et espacés dans leurs familles, en banlieue ou en province. Selon toutes vraisemblances, et même si une partie d’entre eux gardent un lien théorique avec leurs communes d’origine – combien sont recensés comme Parisiens ? – leur consommation moyenne d’eau n’atteint pas la moyenne nationale des 170 m3 par an et par habitant (voir après). En ajoutant à ce groupe celui des retraités – résidents par intermittence [tous les retraités ne répondent pas à cette définition !], on isole deux facteurs supplémentaires de la baisse structurelle des recettes de la SEM gérant l’eau potable des Parisiens.

Grâce à Christophe R., qui m’a gentiment transmis le lien, un numéro de l'IFEN (n°71) de nov.-déc. 2001 va servir de fil directeur pour la démonstration. L’article a d’abord pour mérite de redonner les ordres de grandeur d’un réseau gigantesque : « [en France] La longueur des conduites d'eau est proche de 800.000 kilomètres, soit 20 fois le tour de la terre. Les communes de moins de 1.000 habitants utilisent 43 % de ce réseau, pour 15,5 % des résidences principales desservies. Inversement, les communes de plus de 20.000 habitants approvisionnent plus de 40 % des résidences avec moins de 10 % des conduites d'eau » (page 2)

Les deux premiers tableaux partent de données concernant des résidences principales. Ils illustrent (…) le très large écart séparant d’une part les ruraux résidant dans des communes de moins de 1.000 habitants - et d’autre part les urbains résidant dans des communes de plus de 50.000 habitants. La longueur moyenne de canalisations (en mètres) par abonné est au minimum quatre fois supérieure dans le premier cas : de 65 à 75 mètres contre 15 mètres dans le second cas, avec autant de risques de fuites en plus. Le rendement primaire du réseau reste en deçà de la barre des 50 % dans le cas des communes rurales de moins de 400 habitants. Le taux est d’un peu plus de 60 % pour les communes rurales entre 400 et 1.000 habitants, pour s’établir à 90 % dans le cas des communes urbaines de plus de 50.000 habitants ! Lorsque la densité urbaine diminue, les coûts augmentent, selon un mécanisme économique élémentaire : à l’unité, le yaourt tiré d’un pack de 24 coûte moins cher que celui d’un pack de 8.

Un peu après dans le texte, on apprend que 6 communes sur 10 n'ont effectué aucun entretien sur leur réseau d’adduction, au cours de l'année de l’enquête. Dans les quatre restantes, la portion moyenne réparée ne représente qu’1 % du réseau, c'est-à-dire une révision complète PAR SIECLE ! Il ne faut pas s'étonner de cette situation puisque « leur investissement [l'auteur parle ici des communes rurales] pour développer la desserte a été subventionné par les aides publiques alors que le renouvellement n'y est pas éligible ». L'impôt subventionne donc – pourquoi faudrait-il tourner autour du pot ? – la partie d'activité la plus rémunératrice des vendeurs d'eau : la construction de nouvelles portions du réseau. Il passe en revanche à côté de l'activité la moins rémunératrice, c'est-à-dire l’entretien et la recherche des fuites. Il renforce indirectement les fragilités globales des réseaux d'adduction français : plus le réseau s'allonge, plus la partie révisée diminue en proportion (voir plus haut). Jusqu'au jour il les coûts explosent parce qu’on ne peut plus les lisser dans le temps, ou les collectiviser…

Dans une deuxième série de tableau, les statisticiens ont rapporté sous indice 100 les prix moyens par commune de l'eau potable [on relèvera au passage que pour le retraitement des eaux usées, et jusqu'à une période très récente, seules les plus grandes agglomérations étaient dotées de centrales d'épuration, coût supplémentaire pour les habitants, inexistants à la campagne]. Malgré le manque de clarté, le résultat saute aux yeux : on note une inadéquation totale avec les données précédentes.

Il apparaît que l'indice est supérieur dans les communes les plus peuplées (celles de plus de 50.000 habitants) à celui des communes rurales de moins de 400 habitants ; quels que soient l'origine et le type de traitement des eaux. Ceux qui devraient payer le plus cher en théorie payent le moins… La périurbanisation, collectivisme géographique ? En Gironde, on constatera que la loi autorise les Conseils Généraux et les Agences de l’Eau à aider une commune jusqu’à hauteur de 80 % du montant de la facture d’entretien des réseaux, sans aucune distinction entre communes rurales et communes urbaines

PS. Dernier papier sur la périurbanisation : De l'eau à la révolution.

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