Entre le recensement général de 1999 et celui – partiel – de janvier 2006, le nombre de Picards a varié de 1,86 à 1,89 million. Il vaudrait mieux constater, compte tenu du taux annuel de progression (+ 0,22 %), que la population régionale stagne. Si l’on ôtait l’effet d’entraînement de la mégalopole parisienne au sud de la région dans le Beauvaisis, le long ou à proximité de la vallée de l’Oise (Chantilly, Creil, et jusqu’à Compiègne) on obtiendrait probablement une diminution proche de celle qu’a connue la population de la région Champagne-Ardenne voisine au cours de la même période 1999 – 2006 : – 0,05 %.
Les trois départements ne présentent pas les mêmes caractéristiques démographiques. Le plus rural – l’Aisne – ne retient manifestement pas les classes d’âge les plus jeunes sur son territoire. Avec une statistique de 2,08 enfants par femme (en 2003) dans le département, on devrait en effet observer une croissance nette, et non la stagnation actuelle (536.000 habitants en 1999 et en 2006). La population de l’Aisne vieillit donc, la part des plus de 65 ans augmentant. De façon générale, l’âge moyen en Picardie s’établit à 38 ans en 2005 (contre 37 en 1999).
Dans la Somme, la population progresse faiblement, de 555 500 à 559 000 habitants : + 0,1 % en rythme annuel. Mais la capitale et plus grande ville régionale absorbe selon toutes vraisemblances, et avec ses communes accolées une grande partie (la totalité ?) du surplus : elle passe de 135.000 à 136.000 entre 1999 et 2005. Dans deux communes périurbaines du sud-ouest de l’agglomération amiénoise, les observations concordent : la population de Salouel est passée de 4.160 à 4.258 (+ 0,3 %) et celle de Pont-de-Metz, de 1.659 à 1.827 (+ 1,6 %) [année de référence, 1999 et année d’enquête partielle, 2006 et 2005].
La population de l’Oise se distingue enfin à plus d’un titre. Le département compte 786.000 habitants (estimation au 1er janvier 2005) contre 766.500 habitants en 1999. L’indice conjoncturel de fécondité arrive juste derrière celui de l’Aisne (2,04 enfants par femme), et témoigne là aussi de la présence de jeunes adultes en âge d’avoir des enfants, le département attirant comme on l’a vu plus haut des Franciliens s’éloignant de la capitale.
Pour en revenir à Chantilly dont la population reste relativement stable, on constate la vitalité des communes environnantes proches des lignes de chemin de fer, à travers quelques exemples : au sud, Lamorlaye (de 8.100 à 9.200 habitants) + 1,8 % ; à l’ouest, Précy sur Oise (de 3.120 à 3.260) ou Blaincourt-lès-Précy (de 1.160 à 1.215) + 0,7 % ; à l’est, Vineuil (de 1.460 à 1.510) + 0,5 %. En allant un peu plus loin, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Chantilly, l’installation de citadins dans des communes rurales (mouvement appelé rurbanisation) se fait ici souvent sentir : Ully-Saint-Georges (de 1.820 à 1.880 habitants) + 0,6 %, Cramoisy (de 560 à 590) + 0,9 % ou encore Puiseux (de 340 à 400) + 2,4 %. [Voir l’enquête complémentaire ]
Les déséquilibres dans la répartition de la population s’accentuent par conséquent en Picardie, et je laisserai de côté pour une fois la question du vieillissement qui – on vient de le voir – se pose dans les parties septentrionales et orientales de la région ; l’enquête citée insiste sur le déclin d’agglomérations comme Soissons. Mais mon objectif, en lien avec un article récent du Monde est d’aborder une conséquence fâcheuse : l’inadaptation de l’offre de santé par rapport à l’accroissement de la population dans le sud de la région. L’article insiste sur le vieillissement du corps médical (dont j’ai déjà parlé en décembre dernier dans ce papier ). Mais je préfère revenir – par le biais de la Picardie – à la question de la répartition géographique des médecins, qu’il s’agisse des généralistes ou des spécialistes (en l’occurrence des pédiatres).
Au 1er janvier 2006 (voir ici ), la Picardie bénéficie d’un taux de couverture médicale nettement inférieur à la moyenne nationale : 142 généralistes pour 100.000 habitants (contre 166 en moyenne nationale). Concernant l’offre de soins destinés au moins de 16 ans, les Picards ne bénéficient pas des mêmes avantages que les habitants de la région Ile de France. Dans ces documents ci-joints , il apparaît que la Picardie compte un généraliste pour 208 enfants de moins de 16 ans (IdF, 139 / moyenne nationale 152) et un pédiatre pour 3.672 enfants de moins de 16 ans (IdF, 1.443 / moyenne nationale 2.386) [données 1994].
Que constate Sandrine Blanchard dans le Monde ? Le nombre de pédiatres de ville a diminué : 2.570 en 2007, contre 3.600 en 1995. Or 1.300 partiront à la retraite dans les dix ans qui viennent. Un jeune Français sur cinq consulte le pédiatre. Ce taux inférieur à celui de nombreux pays européens conduit – nous dit la journaliste – à un alourdissement des prescriptions (antibiotiques, corticoïdes, anti-inflammatoires, etc.). Mais elle ne donne aucune statistique concernant le traitement d’urgence des enfants : or les généralistes assurent beaucoup plus de gardes que les pédiatres. Elle insiste sur le rôle des pédiatres dans la prévention, la découverte précoce de pathologies ou de malformations ou l’éducation à la nutrition.
L’article se termine sur l’évolution de la demande de soins dans la petite enfance, mais rate son objectif en insinuant que les pédiatres garantiraient de meilleurs soins que les spécialistes. Pourquoi les étudiants en médecine délaissent-ils la pédiatrie ? La question reste en suspens, alors qu’il existe de surcroît un numerus clausus. A cause de celui-ci, le nombre de médecins ne suffira pas globalement à répondre à la demande de soins d’une population vieillissante, on l’a vu. Dans le cas des pédiatres, il y a fort à parier qu’ils continueront à privilégier les centres d’agglomération pour leur cabinet. Les jeunes médecins – spécialistes ou généralistes – qui s’installent le font en reprenant des cabinets de ville. Ils privilégient par conséquent l’Ile de France à la Picardie ! Il faudrait dans ces conditions s’interroger pour finir, non sur l’absence (terme manifestement excessif) mais sur l’insuffisant développement d’une médecine périurbaine. Est-ce que la Picardie refroidit les vocations ?
PS./ Dernier papier sur la périurbanisation : La périurbanisation, collectivisme géographique ?
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