vendredi 25 juin 2010

La vie du Malawi (suite) : d’un siphonage à un captage. (climatologie et agriculture).

Vous souvenez-vous de la vie du Malawi, et de l’enfant du pays adopté par la chanteuse Madonna ? Quelques grandes rédactions avaient à l’époque dépêché sur place des équipes pour interviewer une quelconque autorité, et surtout pour prendre le pouls de la famille de l’adopté ; en réalité, du père resté seul après le décès de sa femme. Je pestais alors contre des conclusions hâtives, sans me prononcer sur le fond de l’affaire : dilemme face à un enfant retiré de son environnement familier – n’était-il pas déjà orphelin ? – mais qui pouvait soudain escompter une vie meilleure. Au passage, je pointais cependant l’empressement de certains occidentaux à négliger les données générales au profit du cas individuel, hors – norme, qui suscite la controverse caricaturale. Qui se préoccupait en effet du sort de milliers de petits Malawites mal nourris, ou n’ayant aucune école à proximité de chez eux ?
Un article du New York Times de Sharon Lafraniere confirme que l’argumentaire d’hier vaut pour aujourd’hui [cité par Courrier International n°863 / Du 16 au 23 mai 2007]. La thématique change, puisqu’il s’agit cette fois de climat, de moyennes de précipitations et de températures. La journaliste nous rapporte qu’au Malawi, il n’existe pas de station météorologique dans la deuxième ville du pays. Au même moment, dans l’hémisphère nord, experts et scientifiques tirent des plans sur la comète pour décrire le climat des prochaines décennies. Au même moment, un ancien premier ministre impopulaire (en France) et un ancien candidat malheureux à l’élection présidentielle (aux Etats-Unis) misent opportunément sur l’écologie et le développement durable pour réchauffer le cœur de leurs concitoyens à leur égard.
A Blantyre, au Malawi, le responsable des relevés ne consigne plus depuis des mois les données de pression atmosphérique : « la lumière ne marchant plus, il ne peut plus lire les chiffres ». L’indicateur d’humidité des sols n’indique plus rien. L’héliographe servant à mesurer l’ensoleillement n’a pas plus d’utilité, car il n’y a plus de papier pour reporter les données. Le chef de station interrogé par Sharon Lafraniere ne fournit pas d’information très éclairante à ce sujet : « Du matériel cassé, une technologie dépassée, des données approximatives et un réseau clairsemé de stations météo. Voilà tout ce que son agence nationale peut se permettre avec un budget de 160 000 dollars. » Etant donné le salaire moyen dans son pays, la somme allouée devrait au contraire suffire. Ne faut-il pas craindre un siphonage de l’argent public qui illustrerait l’inefficience de l’Etat, au Malawi comme dans de nombreux autres pays en développement ? La journaliste new-yorkaise glisse discrètement sur le sujet, insistant en revanche sur les lamentations du météorologue désarmé : « Depuis quatre ans, nous n’avons même plus les moyens de connaître la durée d’insolation dans notre pays. Comment voulez-vous que l’on évalue le changement climatique ? » Ce triste spectacle offre incontestablement un fort contraste avec celui observé dans le monde développé. En Europe et en Amérique du Nord, les experts assermentés, dé – climatologues et autres capteurs de subventions dans l’air du temps réunissent à grand frais des colloques, publient en abondance. Mais gageons qu’en connaissance de cause, ils enverront une part de leurs généreux subsides à leur courageux confrère de Blantyre.
Car les agriculteurs du Malawi tireraient le plus grand profit d’une agence de météorologie nationale digne de ce nom. « Neuf Malawites sur dix vivent d’une agriculture de subsistance. » Plus que de prévisions à moyen ou long terme, ces derniers anticiperaient ainsi certains phénomènes climatiques exceptionnels, comme des pluies diluviennes ou la persistance d’un anticyclone repoussant au loin les perturbations, selon l’expression fétiche des animateurs – météo. Sharon Lafraniere ne cache cependant pas à ses lecteurs que les instruments de mesure du temps modifieraient peu la pratique agricole, toujours sous le coup des aléas climatiques. Un agriculteur plante du maïs dans une vallée inondable et perd toute sa récolte en janvier dernier à la suite d’une crue du fleuve… Mais la journaliste ne dit pas que s’il avait opté pour du riz – avait-il les semences et le matériel ad hoc ? – il aurait pu aussi bien attendre en vain la même inondation ?!
Dans cette moitié orientale de l’Afrique australe, janvier est certes en moyenne le mois le plus pluvieux. En vertu d’un système climatologique comparable à celui de la mousson asiatique, les régions situées entre le sud de la RDC, la vallée du Zambèze, les lacs Tanganyika et Malawi reçoivent deux à trois cents millimètres de pluies en quatre semaines. Un vaste anticyclone centré sur le sud de l’océan Indien donne naissance à des vents chargés d’humidité, qui soufflent vers le nord et le nord-ouest, puis rentrent à l’intérieur du continent africain. Des basses pressions inférieures à 1010 hPa s’y sont accumulées. Mais si le baromètre remonte, pour parler vulgairement, les pluies se font attendre. Ce mois de janvier contraste donc avec la sécheresse de l’été austral. D’où la nécessité de constituer au Malawi des réserves hydrologiques pendant la saison des pluies.
Pour finir, la journaliste s’appuie sur le cas d’une cultivatrice qui a creusé deux étangs derrière chez elle, grâce à un micro – crédit. « Mais, depuis la terrible sécheresse qui a sévi il y a trois ans, il ne reste de ses étangs que des cuvettes envahies par les herbes. […] Son échec s’explique en partie par les cultures sauvages que d’autres paysans ont plantées en bordure de la rivière qui alimentait ses étangs, et qui ont provoqué un affaissement des berges et l’assèchement du cours d’eau. » En toute illégalité ! D’un siphonage à un captage… L’Etat de droit se fait encore attendre au Malawi.

PS./ Derniers articles sur l'Afrique : Guinée, Touré, Conté.

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