Un article publié ce matin alimente le débat toujours ouvert au sujet du vieillissement de la population européenne. A tort, les journalistes hexagonaux présentent cette question comme exclusivement du ressort d’un pays voisin, sans liens - même lointains - avec ce que l’on observe en France. C’est le cas ici puisque Cécile de Corbière s’attache au cas allemand.
Mais au départ, qu’est-ce que le vieillissement ? Pourquoi utilise t-on ce nom commun normalement connoté de façon positive – vieillir signifie par définition ne pas mourir – dans un sens dévoyé (C.C. n’y échappe pas, en l’occurrence) ? Le vieillissement cesse subrepticement de signifier un bonus pour l’individu, et se transforme en un problème collectif, un problème dont on ne pose pas les données, qui reste mystèrieusement confus. Par une sorte de glissement, le problème du vieillissement devient celui du financement des retraites – on verra qu’il y a là une sorte d’entourloupe – à l’exclusion de questions laissées en suspens, elles bien réelles : l’explosion des dépenses de santé, les déséquilibres de répartition de la population. Peu importe au fond qu’il s’agisse de l’Allemagne ou de la France.
La journaliste du Figaro évoque sans la citer la décroissance de la population allemande, qui perdrait dans les prochaines décennies une dizaine de millions d’habitants (pour un total de 82,4 aujourd’hui). Elle évoque dans un second temps l’évolution de l’espérance de vie, mais commet une erreur : « [e]n 2050, [l’espérance de vie] devrait atteindre 83,5 ans pour les hommes et 88 ans pour les femmes, soit sept ans de plus qu’aujourd’hui. » Or les chiffres de l’espérance de vie résultent d’un calcul qui vaut seulement pour l’année donnée : ainsi, nos contemporains Allemands ne sont pas ici bénéficiaires mais leurs descendants, ceux qui naîtront en 2050. Ces derniers mourront en moyenne – suivant ce calcul – en 2133 ! On trouve juste après dans l’article des données classiques concernant l’âge médian (50 ans en 2050 ?) et l’augmentation programmée des plus de 60 dans le total de la population allemande.
Plus intéressante est à mon sens le rapprochement que fait Cécile de Corbière entre le vieillissement et une immigration insuffisante pour combler les vides. Sans évoquer précisément les déséquilibres internes de la population active allemande, elle précise que l’Allemagne n’attire pas assez de travailleurs étrangers : elle « ne séduit pas et sa politique d’immigration est jugée restrictive, notamment à l’égard des candidats qualifiés. » Pas un mot en revanche sur la natalité - celle-ci finit par imiter en moyenne celle du pays d’accueil (donc se posera le problème du financement des retraites) - et la concentration géographique des étrangers dans les grandes aires urbaines.
L’article se termine comme annoncé sur le problème du financement des retraites. La journaliste ne réalise pas qu’elle sort en grande partie du sujet. Elle rentre dans une question qui relève du choix démocratique : les retraites financées par capitalisation ou par répartition ne sont pas fondamentalement différentes au plan des mécanismes économiques. Avec une efficacité équivalente (voir Econoclaste). La discussion sur l’âge légal de la retraite relève elle aussi du champ politique : il existe des pays sans législation en la matière, et d’autres dans lesquels les retraités gardent la possibilité – s’ils le désirent – de toucher un salaire à la manière d’un actif.
Je ne nie pas toutefois que la génération actuelle des jeunes retraités ayant la soixantaine bénéficie d’un privilège sans lendemain ; tant mieux pour eux. Je plains ceux, plus jeunes, qui s’illusionnent sur un éventuel – et impossible – retournement de situation. Mais les raisonnements de bon sens peuvent conduire à des contresens, même ceux émanant du ministre allemand de l’Intérieur. Il est faux, en effet de dire : « Vivre toujours plus longtemps sans travailler plus : le calcul ne tient pas » Tout dépend du taux d’épargne.
La question du financement du système de santé reste lui entier : or une population qui vieillit consomme plus de soins et plus de médicaments. En Allemagne, la part de PIB consacrée à la santé dépasse 10 % (6% en 1970). Partout dans le monde occidental les dépenses progressent plus vite que la croissance des PIB. Pour plus de détails, voir cette étude du ministère de la Santé : ici.
Mon regret – au regard de cet article – touche à la question éminemment géographique de la répartition de la population sur un territoire. Le vieillissement implique – ne serait-ce que par l’augmentation du nombre de célibataires - un besoin croissant de petits logements proches des commerces et services diversifiés : accessibles sans recours à la voiture. L’abandon de la périurbanisation – caractéristique d’un étalement urbain pavillonnaire – apparaît en filigrane, alors que l’ensemble des autorités compétentes, en Occident, continuent pourtant d’en alimenter les ressorts.
Les espaces ruraux considérés comme trop éloignés de la ville commencent à se vider. C.C. cite à ce sujet une partie de l’ex-Allemagne de l’Est. Alors que les densités moyennes dépassent 500 habitants au km² dans les länder rhénans (Ouest), celles du Mecklembourg et du Brandebourg n’atteignent même pas la barre des 100…
A l’inverse, le vieillissement accompagne un mouvement de retour d’ores et déjà ressenti – gentryfication – vers les parties centrales de villes aux conséquences explosives. Le stock de maisons individuelles en périphérie risque en effet de gonfler alors que le nombre de familles susceptibles d’y loger va mécaniquement diminuer. Les actifs qui ont en grand nombre choisi de se constituer un patrimoine en achetant lesdits biens subiront un appauvrissement net : ceux-là même qui ne connaîtront pas la retraite à 60 ans.
PS./ Dernier article sur l’Allemagne : ici.
Mais au départ, qu’est-ce que le vieillissement ? Pourquoi utilise t-on ce nom commun normalement connoté de façon positive – vieillir signifie par définition ne pas mourir – dans un sens dévoyé (C.C. n’y échappe pas, en l’occurrence) ? Le vieillissement cesse subrepticement de signifier un bonus pour l’individu, et se transforme en un problème collectif, un problème dont on ne pose pas les données, qui reste mystèrieusement confus. Par une sorte de glissement, le problème du vieillissement devient celui du financement des retraites – on verra qu’il y a là une sorte d’entourloupe – à l’exclusion de questions laissées en suspens, elles bien réelles : l’explosion des dépenses de santé, les déséquilibres de répartition de la population. Peu importe au fond qu’il s’agisse de l’Allemagne ou de la France.
La journaliste du Figaro évoque sans la citer la décroissance de la population allemande, qui perdrait dans les prochaines décennies une dizaine de millions d’habitants (pour un total de 82,4 aujourd’hui). Elle évoque dans un second temps l’évolution de l’espérance de vie, mais commet une erreur : « [e]n 2050, [l’espérance de vie] devrait atteindre 83,5 ans pour les hommes et 88 ans pour les femmes, soit sept ans de plus qu’aujourd’hui. » Or les chiffres de l’espérance de vie résultent d’un calcul qui vaut seulement pour l’année donnée : ainsi, nos contemporains Allemands ne sont pas ici bénéficiaires mais leurs descendants, ceux qui naîtront en 2050. Ces derniers mourront en moyenne – suivant ce calcul – en 2133 ! On trouve juste après dans l’article des données classiques concernant l’âge médian (50 ans en 2050 ?) et l’augmentation programmée des plus de 60 dans le total de la population allemande.
Plus intéressante est à mon sens le rapprochement que fait Cécile de Corbière entre le vieillissement et une immigration insuffisante pour combler les vides. Sans évoquer précisément les déséquilibres internes de la population active allemande, elle précise que l’Allemagne n’attire pas assez de travailleurs étrangers : elle « ne séduit pas et sa politique d’immigration est jugée restrictive, notamment à l’égard des candidats qualifiés. » Pas un mot en revanche sur la natalité - celle-ci finit par imiter en moyenne celle du pays d’accueil (donc se posera le problème du financement des retraites) - et la concentration géographique des étrangers dans les grandes aires urbaines.
L’article se termine comme annoncé sur le problème du financement des retraites. La journaliste ne réalise pas qu’elle sort en grande partie du sujet. Elle rentre dans une question qui relève du choix démocratique : les retraites financées par capitalisation ou par répartition ne sont pas fondamentalement différentes au plan des mécanismes économiques. Avec une efficacité équivalente (voir Econoclaste). La discussion sur l’âge légal de la retraite relève elle aussi du champ politique : il existe des pays sans législation en la matière, et d’autres dans lesquels les retraités gardent la possibilité – s’ils le désirent – de toucher un salaire à la manière d’un actif.
Je ne nie pas toutefois que la génération actuelle des jeunes retraités ayant la soixantaine bénéficie d’un privilège sans lendemain ; tant mieux pour eux. Je plains ceux, plus jeunes, qui s’illusionnent sur un éventuel – et impossible – retournement de situation. Mais les raisonnements de bon sens peuvent conduire à des contresens, même ceux émanant du ministre allemand de l’Intérieur. Il est faux, en effet de dire : « Vivre toujours plus longtemps sans travailler plus : le calcul ne tient pas » Tout dépend du taux d’épargne.
La question du financement du système de santé reste lui entier : or une population qui vieillit consomme plus de soins et plus de médicaments. En Allemagne, la part de PIB consacrée à la santé dépasse 10 % (6% en 1970). Partout dans le monde occidental les dépenses progressent plus vite que la croissance des PIB. Pour plus de détails, voir cette étude du ministère de la Santé : ici.
Mon regret – au regard de cet article – touche à la question éminemment géographique de la répartition de la population sur un territoire. Le vieillissement implique – ne serait-ce que par l’augmentation du nombre de célibataires - un besoin croissant de petits logements proches des commerces et services diversifiés : accessibles sans recours à la voiture. L’abandon de la périurbanisation – caractéristique d’un étalement urbain pavillonnaire – apparaît en filigrane, alors que l’ensemble des autorités compétentes, en Occident, continuent pourtant d’en alimenter les ressorts.
Les espaces ruraux considérés comme trop éloignés de la ville commencent à se vider. C.C. cite à ce sujet une partie de l’ex-Allemagne de l’Est. Alors que les densités moyennes dépassent 500 habitants au km² dans les länder rhénans (Ouest), celles du Mecklembourg et du Brandebourg n’atteignent même pas la barre des 100…
A l’inverse, le vieillissement accompagne un mouvement de retour d’ores et déjà ressenti – gentryfication – vers les parties centrales de villes aux conséquences explosives. Le stock de maisons individuelles en périphérie risque en effet de gonfler alors que le nombre de familles susceptibles d’y loger va mécaniquement diminuer. Les actifs qui ont en grand nombre choisi de se constituer un patrimoine en achetant lesdits biens subiront un appauvrissement net : ceux-là même qui ne connaîtront pas la retraite à 60 ans.
PS./ Dernier article sur l’Allemagne : ici.
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