A la suite d’une nouvelle étude de l’INED (Le baby-boom : suite et fin / mardi 20 février 2007), le Monde ouvre ses colonnes à une rapide synthèse non signée sur le thème : les baby-boomers (en France, les personnes nées entre 1943 et 1973) grossissent le rang des inactifs depuis qu'ils partent à la retraite. Le lecteur n’y décèlera aucun alarmisme, mais au contraire quelques pistes de réflexion. C’est l’équilibre entre générations, entre actifs et retraités, qui se joue pour les cinquante prochaines années, nous dit l’auteur. A l’issue de cette période en effet, les baby-boomers seront morts, dans leur très grande majorité, même s’il faudrait rappeler le caractère incertain des projections qui ne peuvent anticiper des fluctuations éventuelles de la fécondité en Europe au cours du demi-siècle.
« En 2005, il y avait encore dans trois pays (France, Royaume-Uni, Espagne) plus de jeunes entrant dans la vie active que de départs en retraite. Vers 2010, l'Union européenne atteindra l'équilibre. Si chaque pays évoluera ensuite différemment, tous seront en déséquilibre en 2030. La France frôlera cependant l'équilibre, grâce à une fécondité relativement élevée depuis les années 1980, suivie par le Royaume-Uni. Mais en Allemagne et en Italie, où le baby-boom fut modeste et la fécondité très basse dans les dernières décennies du XXe siècle, le rapport entre les 20-24 ans et les 60-64 ans sera le plus faible des pays concernés. » L’auteur désigne ici par le mot équilibre une égalité (en %) entre actifs et retraités. Notons que l’idéal du financement se situe en deçà, surtout avec un système de répartition. En simplifiant, plus d’actifs contribuent aux retraites, moins la charge financière est lourde.
« […] La retraite des baby-boomers ‘peut créer les conditions d'une réduction du chômage mais ne la garantit pas’, souligne l'INED, notamment parce qu'il n'y a pas forcément adéquation entre les emplois laissés vacants et les demandes d'emploi. » Ainsi, les prévisions de diminution naturelle du chômage décevront. Rien n’est dit pourtant sur la possible inadéquation entre les emplois laissés vacants et les demandes d’emploi : les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas ce qu’ils veulent…? Tous des fainéants ? En réalité, on observe un différentiel de niveau d’études entre la première et la deuxième catégorie (ceux qui prennent leur retraite, et ceux qui rentrent dans la vie active). Les (sur-) diplômés constituent une minorité bien mieux représentée, ce qui pèse mécaniquement sur l’offre d’emplois et sur les rémunérations. Pour les moins diplômés, on note l’effet inverse.
« […] Comment accueillir ces nouvelles personnes âgées ? Là encore, la situation varie selon les ‘modèles culturels’ et l'absence de structures. La proportion de personnes de plus de 75 ans vivant en institution est la plus forte aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Irlande, en Belgique et en France, où elle dépasse les 12 %. Elle est la moins élevée en Pologne (2 %), en Espagne et en Italie (4 %). » La synthèse insiste à juste titre sur le seuil symbolique des 80 ans, au-delà duquel s’impose généralement pour les plus âgés le départ du domicile. Un octogénaire résidant à la campagne a-t-il les mêmes besoins qu'un autre octogénaire vivant au coeur d'une grande ville, avec tous les services à proximité ?L’auteur ne s’interroge pas davantage sur le devenir des moins de 80 ans : pourquoi n’existe-t-il pas de jure une solution intermédiaire entre activité et inactivité, alors que l’on observe de facto un âge transitoire entre 60 (ou 65) et 80 ans ? Au Japon ou aux Etats-Unis, rien n’empêche un actif de retarder sa retraite.
« […] Pour maintenir ce taux d'accueil, la capacité des institutions devrait augmenter de plus de 60 %. A moins que d'autres schémas dominent, comme l'aide au maintien à domicile. Car on vit plus vieux mais aussi en meilleure santé et le nombre d'années vécues sans incapacités tend à augmenter plus vite que l'espérance de vie. Ainsi, si l'entrée en institution se faisait à partir de 80 ans, le nombre de places nécessaires diminuerait de l'ordre de 25 % dans l'Europe des Quinze, plus fortement parmi les nouveaux accédants. » Cette affirmation relève de l’incantation. Car dans un deuxième temps, le maintien à domicile ne produira plus aucun effet bénéfique. Si le nombre des octogénaires reste effectivement stable au cours des décennies 2000 et 2010, il augmentera mécaniquement ensuite (1943 + 80 = 2023).
Cette arithmétique laisse en outre ouverte la question des centenaires. Leur multiplication (80 000 en France en 2050 ?) renvoie au financement de la mort lente à l’hôpital ; certains préfèrent utiliser l’euphémisme de fin de vie, mais cela ne change rien au problème. Stratégie générale de limitation des coûts, le raccourcissement des séjours à l’hôpital en Occident (pour les malades comme pour les nouveaux-nés) va à l’encontre de l’évolution précédente. L’auteur de la synthèse affirme toutefois que le maintien à domicile correspondrait « aux souhaits des personnes âgées et à l'orientation des politiques de la vieillesse. » Rien n’est moins sûr : conjonction n’est pas corrélation !
Il conviendrait donc de poser la question des coûts ; elle dépasse bien sûr le cadre de la fin de vie. Comment passe-t-on d’un système qui collectivisait les coûts à un système qui les individualise ? Plusieurs générations ont vécu en Occident éloignées de la notion de coûts – il faudrait expliquer pourquoi – et vivent ce changement comme une agression. Je crains que la pédagogie ne soit pas suffisante pour les convaincre… La conclusion de la synthèse ne bouscule en tout cas aucune certitude « A plus long terme, le nombre de décès, stable depuis une cinquantaine d'années, va augmenter dans les pays du baby-boom, de l'ordre de 40 % en France ou en Italie par exemple. » Donc plus on vieillit, plus on risque de mourir. La pédagogie passe par des concepts simples. Vieillissement et balbutiements.
PS./ Article précédent : Vieux médecins et vieillissement.
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