jeudi 24 juin 2010

Vlassov a choisi la potence (notes de lecture)


Cet ouvrage – J’ai choisi la potence (Confidences du Général Vlassov) – trouvé dans une brocante a attiré mon attention et justifie cette rapide prise de notes. Le bibliophile y trouve peu de renseignements : un seul concerne l’éditeur (Editions Univers) et la date de parution (1947). Pas une note, pas un rappel, pas une référence bibliographique ; tout manque pour vraiment authentifier le (pseudo) témoignage du général Vlassov, déserteur de l’Armée rouge engagé du côté d’Hitler en 1941. Le rédacteur du préambule explique qu’un interlocuteur a recueilli les confidences du général avant son arrestation en 1944 par les Soviétiques (après la prise de Prague), mais on ignore jusqu’au bout le nom du témoin attentif… Ce document accumule les affirmations fantaisistes. On pourrait presque dire qu’il ne présente aucun intérêt pour l’historien de la Seconde Guerre Mondiale.

J'ai choisi la potence est un document précieux sur l'URSS de l'immédiat après-guerre. Il permet d’isoler page après page un projet géopolitique qu'il faut bien sûr déconstruire. Car on y trouve l'outil géographique ramené à sa plus simple expression, une sorte de vaste carte d’Etat-major sur laquelle on bouge les frontières ou les hommes comme de vulgaires pions ; non plus la représentation du monde, mais le monde lui-même. L’histoire sert ensuite de simple trame, comme une sorte de toile de fond. La démonstration s'est construite à partir de la conclusion : la grandeur de la Russie éternelle ; l'argumentaire s’organise ensuite en fonction…

Ce projet géopolitique ne manque pas de cohérence. Fini l’internationalisme du Kominform et du Komintern, mais l’affirmation d’un nationalisme russe décomplexé, voire raciste : le narrateur n’épargne au lecteur ni les diatribes antisémites (proférées par les dignitaires nazis, mais dont on ne sait si il les approuve) ni les commentaires méprisant les peuples associés à la Russie dans l’URSS.

Il ne faut pas hésiter bien sûr à critiquer ce projet, mais pas seulement à cause de sa teinture idéologique [sur un moteur de recherche bien connu, on trouvera J’ai choisi la potence dans le fond Thorez , à Paris !] Ce livre donne en effet la tonalité de la doctrine Jdanov, telle qu’annoncée au monde en 1947. On trouvera entre crochets [] mes liaisons –présentations résumées, et en gras quelques commentaires brefs.

10 septembre 1942 (p.39/40) :

« Le Führer a été très aimable et il a fait l’éloge des soldats russes qui sont très braves et méritent une très grande attention ; mais le peuple russe est trop crédule et se laisse diriger par une bande de gens qui sont au service de la ‘ploutocratie mondiale et de la juiverie’ » [Mais Vlassov dit accorder une fin de non – recevoir à la proposition d’engager dix divisions de volontaires russes.] « Hitler est alors devenu furieux. Il a entamé un monologue qui n’en finissait pas, disant que le peuple russe n’était pas digne d’avoir un Etat indépendant, qui lui, Hitler, avait désiré apporter la liberté aux populations de l’Union Soviétique, mais que le comportement de ces populations était tel qu’il allait changer d’avis, et qu’après une victoire décisive sur le gouvernement de Moscou, il serait dans l’obligation de procéder au démembrement de la Russie. Il s’excitait de plus en plus, finit en proférant des menaces, particulièrement à l’adresse du clergé orthodoxe qui n’a pas voulu le soutenir, qui a refusé de prêcher pour convier la population et les soldats à la lutte contre le gouvernement soviétique. »

Ainsi, il faut lire – la litote revient ensuite systématiquement – que le peuple russe est valeureux, uni et soutenu par le clergé (oubliées les persécutions antireligieuses décidées par Staline). Le mot ‘liberté’ sort de la bouche d’Hitler, pour mieux déconsidérer son emploi par les Anglo-Saxons.

20 septembre 1942 (p.41/42) :

« L’Ataman Krasnov m’a raconté que Keitel l’avait presque insulté en lui disant qu’il se trompait sur le compte des Cosaques, que ceux-ci étaient des froussards qui n’osaient pas se lancer dans la bataille et qui préféraient rester à l’arrière pour piller.

J’ai reçu le capitaine Stéklov et le lieutenant Davidenkov qui reviennent d’un voyage à Vichy. […] Le capitaine Stéklov a été reçu par le maréchal Pétain qui a eu quelques mots aimables pour les Cosaques. » ’Armée rouge ne peut se livrer qu’à une guerre de libération (!) L’allusion au maréchal Pétain peut elle se comprendre de deux façons (qui ne sont pas incompatibles) : le démenti d’une part, et le fait que le vieil homme soutient les pires ennemis de l’Union Soviétique.

1er décembre 1942 (p.62/63)

[Vlassov rend visite à l’Ataman Krasnov, à la tête des Cosaques] « Vers la fin de notre entretien est arrivé le colonel Stroumiline, sous-chef du cabinet politique que je viens de créer. Il s’est beaucoup intéressé à notre conversation. C’est un officier très doué, ancien membre du parti communiste russe et commissaire politique de la 37ème brigade blindée. Stroumiline répliqua vivement à Krasnov que son manifeste ne serait jamais accepté par le Sobor (Assemblée Nationale). La Russie sera unie, une et indivisible, ou elle ne sera pas.

Krasnov s’énerva et dit à Stroumiline qu’il était fort étonné d’entendre un ancien officier de l’Armée rouge et ancien membre du parti communiste tenir le langage du général Denikine qui, lui, proclamait aussi le principe de la Russie une et indivisible.

Stroumiline fit remarquer, non sans amertume, que le général Denikine, bien qu’il ait été battu par l’Armée rouge, était sincèrement un patriote russe plus sincère et plus ardent que Léon Trotsky, vagabond international, chef de l’Armée rouge dans sa lutte contre le général Dénikine. » On trouve à la fois la réécriture de l’histoire (démantèlement du complot trotskyste) et un antisémitisme latent.

[L’entretien continue, et un peu plus loin…] « Stroumiline m’a développé un plan qui, je dois le reconnaître, est extrêmement intéressant. Il prétend que la première chose à faire, c’est de discréditer la personnalité de Staline dans l’Armée rouge et dans le commandement.

Pour cela, il faudrait appliquer la même méthode que Kérensky appliqua en 1917 contre Lénine qu’il accusa d’être un agent payé par les services de renseignements allemands. » Quelle prouesse ! L’auteur parvient à resserrer les liens entre Lénine et Staline. Il discrédite toute critique contre l’un et contre l’autre – Kérensky ramené à Vlassov – et transforme des vérités premières (le financement des bolchéviks par Berlin) en mensonges qu’il convient de balayer !

5 décembre 1942 (p.67) :

[Vlassov se rend dans le bureau de Goebbels ; il décrit un homme qui perd le contrôle de lui-même]. « Vous, les Russes, vous êtes un peuple de traîtres ; quand vous négociez avec quelqu’un, vous négociez en même temps avec ses ennemis. A la fin du 18ème siècle, vous avez commis plusieurs trahisons de ce genre. Vous étiez contre la Prusse pendant la guerre de Sept ans et vous avez trahi vos alliés pour sauver… Frédéric-le-Grand ! Vous étiez ennemis de la Révolution Française lorsque votre Empereur Paul 1er a engagé des négociations secrètes avec les envoyés de la République française pour trahir l’Angleterre. [S’ensuit une longue énumération qui se termine ainsi] Votre Staline a suivi la même ligne ; il nous a trompés pendant les visites de von Ribbentrop à Moscou et pendant le séjour de Molotov à Berlin. » Comprenez : il y a pérennité du pouvoir russe. Le génial Staline a repris les meilleurs aspects de la politique tsariste (anti – germanisme) ; il a même roulé la diplomatie nazie en signant le pacte germano-soviétique.

15 décembre 1942 (p.71) :

[Vlassov rencontre Goering. Ils évoquent la possibilité d’une rébellion des minorités non – russes, sans revenir il est vrai sur le cas des Ukrainiens. Le maréchal analyse :] « Notre service de renseignements nous a signalés que certains groupements de Cosaques du Terek s’étaient révoltés contre les autorités soviétiques et que les Kalmouks les avaient suivis. Mais la population russe de ces régions n’a pas voulu s’associer à cette révolte. » Bel hommage. [Vlassov prétend que Goering l’incite à provoquer le soutien de la hiérarchie orthodoxe. Réponse] « Il me semble aussi, lui ai-je dit, qu’il faut immédiatement consulter les chefs orthodoxes des pays balkaniques et des parties de l’épiscopat russe qui ont reconnu Hitler comme libérateur de la Russie. Il faut convoquer un grand congrès du clergé orthodoxe et poser cette question au cours de ce congrès. » Les patriotes doivent donc se méfier des hauts – responsables du clergé, perfidement salis à cette occasion !

20 décembre 1942 (p.73) :

« Goering m’a appelé de nouveau. Il avait l’air très content : ‘J’ai une nouvelle très agréable à vous annoncer. Le Führer a accepté le projet de distribuer les terres des kolkhozes aux paysans russes. Ce projet prévoit que chaque paysan russe aura un terrain en propriété personnelle. » [… Rosenberg s’intercale dans la conversation et y ajoute son propre commentaire, explique Vlassov] « le Führer libérateur, Adolf Hitler, donne aux paysans russes la liberté en même temps qu’il leur donne la terre en propriété exclusive. » La technique est rodée, qui consiste à assimiler toute critique de la collectivisation à de la propagande nazie.

[Quelques paragraphes plus loin, Rosenberg dévoile le pot-aux-roses !] « A mon grand étonnement, il dit qu’au fond il partageait le point de vue que les kolkhozes étaient plus utiles que la propriété privée des paysans. ‘Si le gouvernement allemand adopte actuellement une autre tactique, ajouta-t-il, c’est pour des considérations purement politiques. Nous allons partager la terre entre les paysans russes en propriétés privées. Cela les occupera pendant des années et des années. Ils vont se quereller les uns avec les autres pour la possession des terres, car, depuis que les kolkhozes existent, on a perdu souvent la trace des anciennes propriétés paysannes.’ »

[Stolypine a péri, l’auteur d’une brillante réforme agraire en 1907, ajoute Rosenberg] « Mais un juif anarchiste, Mordukhaï Bogrov, l’a assassiné à Kiev… »

7 janvier 1943 : (p.94 et suivantes)

[Discussions avec Kozlovsky sur l’issue de la guerre après la victoire soviétique de Stalingrad] « Personne n’a voulu organiser et diriger le peuple russe dans sa lutte contre le danger germanique. Les communistes de Moscou, bon gré mal gré, ont rempli cette mission historique. » Les Occidentaux ? Oubliés au passage…

25 janvier 1943 : (p.107 et suivantes)

[Vlassov effectue une visite d’inspection en France, à Périgueux] « Certains officiers géorgiens et arméniens ont demandé que leurs unités aussi soient cantonnées dans ces casernes. Je n’y vois aucune objection particulière, si ce n’est peut-être le danger que des rixes n’éclatent entre Géorgiens et Arméniens et mes soldats.

Ceux-ci se disputent souvent avec les détachements géorgiens commandés par le général Tchikvidzé, ami intime du maréchal Jodl. Ces disputes ont toujours comme origine le fait que Staline est Géorgien. » Les Russes, pour calmer les ardeurs des peuples frères !

28 février 1943 : (p.142 et suivantes)

[Stroumiline fait son rapport sur une visite dans les camps de prisonniers russes ; il faut justifier le grand nombre d’engagés sur le Front de l’Est] « Il m’a dit que les conditions de la vie dans les camps étaient pénibles, que nos soldats subissaient des traitements indignes, qu’il mouraient de faim. Dans plusieurs camps, il s sont obligés de manger les épluchures de pommes de terre ; il y a eu quelques cas de cannibalisme. Certains soldats sont réduits à l’état de squelettes.

Stroumiline est d’avis que le chiffre élevé des volontaires provient surtout du désir des soldats de sortir des camps. » Au passage, l’auteur déverse un peu de fiel sur les camps allemands (dans la comparaison, les Soviétiques agissaient-ils vraiment différemment ?) La traîtrise trouve en tout cas ici une ultime justification : la faim, le froid et le désespoir…

5 mars 1943 : (p.148 et suivantes)

[Pour la première fois, un interlocuteur de haut rang – le général Von Beck – évoque un complot contre Hitler… De façon bien précoce, et non sans quelques arrière-pensées] « le Führer, qui est malade, serait ‘emporté’ par une maladie. Un groupe de généraux élimine les ‘fous’ : Goebbels et Cie, ainsi que Ribbentrop, signe une paix séparée avec l’Angleterre et les Etats-Unis, et se tourne contre l’URSS en proclamant la déchéance du gouvernement soviétique, l’instauration d’un autre gouvernement sous la présidence du général Vlassov, général de l’Armée rouge, allié des Allemands. » Occidentaux et nazis, même combat ! L’URSS constitue dès lors le seul rempart contre le fascisme.

[Arrivent en outre des nouvelles du front. Elles confirment à l’avance la traîtrise des peuples bientôt déportés par Staline] « Von Manstein rapporte qu’une aide efficace lui est apportée par les Kalmouks et les cosaques du Terek. Ceux-ci ont formé trois brigades de cavalerie grâce auxquelles l’aile gauche des armées de Von Manstein a pu échapper à l’encerclement. »

10 mars 1943 : (p.154 et suivantes)

[Von der Schulenbourg, ancien ambassadeur allemand à Moscou (et accessoirement comploteur contre Hitler) développe devant Vlassov une thèse originale dressant étonnamment les lauriers des dirigeants soviétiques] « Votre ‘clan caucasien’ est pour lle moment un des plus importants. C’est curieux les paradoxes de l’Histoire, dit Schulenbourg. Quand les Tzars russes ont conquis le Caucase, ils n’ont pas soupçonné quel drôle de cadeau ils apportaient à la Russie ! Le Caucase s’est bien vengé. Ses fils ont remplacé les ministres du Tzar et un des ses fils, Staline, a remplacé le Tzar lui-même…

‘Je crois, continua Schulenbourg, que tous les discours de Goebbels sur la domination des Juifs en Russie sont stupides. Il faut parler de la domination des Caucasiens, et ceux-ci, comme vous le savez, sont de véritables ariens. La race caucasienne est une race arienne cent pour cent. Staline est certainement plus arien que Goebbels…’ » Ces propos reflètent-ils uniquement l’idéologie raciale nazie ? N’a-t-on pas un relai pour le moins ambigu de la terminologie et de la démonstration par le narrateur (ou par l’auteur) ?

10 avril 1943 : (p.168 et suivantes)

[Nouvelle entrevue avec Schulenbourg qui s’évertue de décrédibiliser l’entourage d’Hitler auprès de son interlocuteur] « Souvent le Führer lui-même ne sait pas quelle sera sa réaction en face d’un événement. Mais une fois sa décision prise, personne ne peut lui en faire changer. Vous savez, quand il prit la décision d’engager la guerre contre l’URSS, je suis venu exprès de Moscou à Berlin pour l’en dissuader. Je lui ai parlé longuement de Bismarck, de son idée géniale qui prêchait la collaboration russo-germanique. Je lui ai parlé aussi de la prophétie du Chancelier de Fer qui avait dit : ‘Le jour où l’Empire allemand entrera en guerre contre la Russie, sera le jour de la perte germanique…’

Et vous savez ce que le Führer m’a répondu ? Il m’a dit que, tout en étant ambassadeur, je ne comprenais rien à la situation internationale, et que je n’avais pas saisi la véritable idée de Bismarck. Bismarck n’a pas voulu prêcher la collaboration entre l’Allemagne et la Russie. Il avait préconisé la domination de l’Allemagne sur l’Empire des Tzars. Cet empire, dirigé par une dynastie allemande – la dynastie russe des Romanov n’était que la dynastie Holstein – Gottorp – nous offrait la possibilité d’exploiter toutes les richesses russes et de tenir en mains les leviers de commande. Une fois les Romanov partis et le peuple russe devenu maître de ses destinées, l’Allemagne n’avait plus, d’après Hitler, aucun espoir de réussir une pénétration pacifique ; » L’exaltation grand – russe coexiste ici avec une germanophobie à peine voilée : les Romanov auraient porté en eux-mêmes une tâche rédhibitoire, à cause de leur origine géographique.

12 avril 1943 : (p.173 et suivantes)

[Kozlovsky, le fidèle secrétaire qui s’empresse bientôt de s’enfuir… En URSS, se répand une dernière fois contre les instigateurs du complot contre Hitler] « ‘Ces militaires allemands voudraient reprendre les rêves munichois de Chamberlain. Kozlovsky était certain que, derrière ce complot, se trouvait l’Intelligence Service – qui a toujours eu des agents parmi les officiers généraux de la Wehrmacht. [… Mais l’Armée rouge va l’emporter] C’est pour cela que les conspirateurs, qui agissent sous la direction de l’Intelligence Service, cherchent en même temps des complicités dans l’Armée rouge. […] Ils cèderaient volontiers aux Anglais une part de leur bénéfice dans l’exploitation de notre pays.’ »

15 avril 1943 : (p.177 et suivantes)

[Vlassov reçoit des mains de Goebbels un manuel d’instruction destiné aux futures divisions russes destinées à être engagées contre l’Armée rouge ; il se dit estomaqué par la déformation de l’histoire nationale et récuse toute affiliation de la Russie à l’Allemagne] « Il veut à tout prix démontrer que le peuple russe est devenu une véritable nation, ‘grâce aux efforts incessants des princes germaniques venus en Russie au 9 et au 10èmes siècles’. Il veut absolument que le prince Vladimir soit germanique, que les princes de Yaroslav, de Novgorod et de Pskov soient aussi germaniques, et que le premier recueil de lois russes – ‘rouskaïa pravda’ – soit copié intégralement sur les lois et les coutumes des tribus germaniques du Nord.

En parlant de l’invasion des Tatares, il veut à tout prix démontrer que, si la Russie a été vaincue par les Tatares et a subi le joug mongol, c’est parce qu’elle n’a pas voulu se soumettre aux princes germaniques. Les guerres ‘d’oudiel’ entre les princes russes sont présentées comme des ‘crimes’ contre la véritable civilisation apportée par les princes germaniques. » Nouvelle envolée pour défendre la vraie (et pure) Russie ! L’extrait continue par un long paragraphe antisémite particulièrement ambigu quant à l’opinion du narrateur : a-t-on affaire à la propagande nazie ou l’argumentaire est-il assimilé par l’auteur (ou le narrateur) ?

3 mai 1943 : (p.195 et suivantes)

[Kozlovsky – au cours d’une nouvelle discussion avec Vlassov – enfonce le clou sur les futurs putschistes en utilisant un argument pour le moins étonnant] « Mais ces généraux sont vraiment diaboliques ! Ils veulent arrêter leur propre commandant en chef pour le livrer à leurs ennemis ; ils sont comme des gangsters ou des malfaiteurs qui voudraient avoir la vie sauve en livrant leur chef au bourreau. Ce ne sont plus des militaires, ce sont des brigands qui sentent arriver l’heure suprême du châtiment. » [… Ils veulent en réalité exfiltrer Hitler à Londres ] à Downing Street, à l’adresse personnelle de Winston Churchill, car je crois que toute cette conspiration est l’œuvre de l’Intelligence Service et de quelques officiers allemands qui sont depuis longtemps les agents de l’espionnage anglais. »

23 mai 1943 : (p.206 et suivantes)

[Kozlovsky rentre triomphalement dans le bureau de Vlassov] « ‘Vous avez eu la nouvelle ? me dit-il. Le Kominter est supprimé !!’ J’avoue que je fus quelque peu surpris de l’émotion de Kozlovsky, mais sans me laisser le temps de répondre, il poursuivit : […] nous nous sommes trompés ; nous nous sommes grossièrement trompés. Le gouvernement soviétique vient de nous apporter la preuve qu’il n’a plus rien de commun avec cette bande de vagabonds internationaux qui prétendaient nous diriger après 1918. C’est un gouvernement national russe et il va conduire notre pays à la victoire dans cette guerre qui est devenue une guerre pour l’indépendance et la liberté de notre patrie, et aussi pour sa grandeur, matérielle et spirituelle.

‘Le peuple russe a toujours été possédé par l’idée qu’il était le seul à détenir la vérité, qu’il était appelé par Dieu, ou par le Destin, à répandre cette vérité dans le monde. Ce n’est pas un impérialisme de conquêtes, c’est un expansionnisme d’idées que notre peuple a toujours professé. Et le monde entier en a conçu une animosité implacable contre nous. [… Suit l’histoire revisité du tsarisme, jusqu’à la Révolution] « En octobre 1917, Lénine arriva. C’était un homme ! Mais son entourage… une bande de vagabonds internationaux qui avaient traîné leur bosse dans les cafés de Montparnasse, dans les tripots de Vienne, dans les taudits de Londres, dans les établissements louches de Copenhague.

‘Tous ces Trotsky, Zinoviev, Kamenev, Radek, Piatakov et consorts, à la tête du gouvernement, discréditaient notre pays. » [Il fallait oser !...] « La nouvelle Russie sera nationale ; elle aura un gouvernement d’autorité comme le peuple russe l’a toujours désiré, mais ce sera un gouvernement populaire, appuyé sur le peuple, plongeant en lui ses racines, composé de ses meilleurs fils sélectionnés par lui.

‘Staline sera un maître incontesté jusqu’à sa mort. Mais il ne le sera que parce qu’il réalise son rêve historique, parce qu’il la mène vers ses buts. »

6 juillet 1943 : (p.228 et suivantes)

[Vlassov rencontre un capitaine de l’Abwehr, von Rietschke] « Il m’a dit que les services de renseignements allemands étaient en possession d’un plan pour l’après-guerre, élaboré par l’Etat-major de l’armée polonaise combattant du côté anglais, et approuvé par le gouvernement polonais de Londres. Ce plan prévoit la création d’une vaste Fédération comprenant : la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lithuanie, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, l’Autriche, la Bulgarie, la Yougoslavie, l’Albanie et la Grèce. Sa capitale sera, évidemment, Varsovie. » Evidemment…

22 septembre 1943 : (p.249 – 251)

[Le livre se termine brusquement, par un ultime échange entre Vlassov et Steklov ; à qui revient le mot de la fin] « D’après S., nos différends avec les Allemands ne sont que d’ordre national : les Allemands veulent faire de nous une colonie allemande et détruire l’Etat russe, et toutes les combinaisons de Ribbentrop sont de la foutaise. Mais nos différends avec les Anglo-Saxons sont, non seulement nationaux, mais sociaux. Au point de vue national, l’Angleterre a toujours été l’ennemie implacable de la Russie, et rien ne pourra jamais adoucir cet antagonisme. Au point de vue social, les 40 millions d’Anglais et les 150 millions d’Américains qui vivent en régime capitaliste, ne voudront pas satisfaire les desiderata de la Russie soviétique après la victoire, et la lutte recommencera de plus belle. »

PS./ Dernier papier sur le discours géopolitique : Petits exercices géopolitiques.

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